Le graphène, un cristal de carbone à tout faire

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Le graphène, une molécule de carbone nobélisée en 2010, trouve enfin des applications. Ou tout du moins, de premières démonstrations de principe. La start-up Grapheal, née en 2019 et issue de l’Institut Néel à Grenoble, en propose même plusieurs, exploitant les propriétés électroniques particulières de ce matériau épais comme un seul atome.

Elle a développé plusieurs prototypes de détecteurs de diverses molécules comme des gaz, des composés chimiques (les PFAS ou « polluants éternels » dans l’eau), des virus (le SARS-CoV-2), ou des protéines marqueuses de détérioration des plaies… « Les électrons sont en surface du graphène et sont donc très sensibles à des modifications de leur environnement », explique Vincent Bouchiat, chercheur au CNRS et président de Grapheal, pour décrire les transistors faits de deux électrodes reliées par un plan de graphène. Il « suffit » alors de déposer sur ce graphène une molécule se liant spécifiquement à la cible visée pour que les tensions aux bornes des électrodes soient modifiées lors de l’accrochage entre les deux molécules, et la détection est assurée. Sans qu’il y ait besoin d’amplifier le signal.

« Nous détectons les PFAS, comme l’acide perfluorooctanoïque, dans l’eau potable en dessous de la limite légale de l’Union européenne, soit à 300 nanogrammes par litre pour une norme à 500 », prétend Vincent Bouchiat, qui a présenté ses premiers résultats, non encore publiés, lors d’un colloque du CNRS consacré à ces polluants, dits « éternels », le 28 mars.

Des signaux lisibles à distance

L’autre avantage est que le graphène est déposé sur un polymère souple et transparent permettant de l’intégrer à de l’électronique (antenne, microcontrôleur…), pour fabriquer de véritables laboratoires sur puce, mais aussi des pansements ou des patchs connectés, aux signaux lisibles à distance sur téléphone portable. C’est d’ailleurs cette méthode d’obtention du graphène qui est à l’origine de l’entreprise. Celle-ci a déjà reçu en France des prix pour l’innovation (prix i-Lab et i-Nov) et l’un des quinze prix du Consumer Electronics Show à Las Vegas (Etats-Unis), en 2022.

Mais Vincent Bouchiat, après avoir levé 1,9 million d’euros en 2021, recherche de nouveaux fonds pour construire une usine de production de son graphène sur polymère. Le temps presse car des concurrents, aux technologies voisines, accélèrent. Au Royaume-Uni, Paragraf a levé, en mars 2022, 60 millions de dollars, et, aux Etats-Unis, Graphendx a annoncé, en mars 2023, un partenariat avec un acteur du diagnostic, Sapphiros, pour une production de tests biomédicaux en grande série.



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