« La situation au Pays basque relève plus de la sphère politique que du prétoire »

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Les 2 et 3 avril, à Paris, Béatrice Molle-Haran et Txetx Etcheverry seront jugés pour leur implication dans la neutralisation de l’arsenal de l’organisation ETA, le 16 décembre 2016, à Louhossoa. Dans une actualité chaque jour plus marquée par la guerre et les conflits violents, il est plus que jamais nécessaire de préserver la paix au Pays basque. Ce procès aura, en ce sens, une résonance très particulière.

En 2011, trois jours après la conférence internationale d’Aiete [à Saint-Sébastien en Espagne] présidée par Kofi Annan, l’ETA avait en effet annoncé l’arrêt irréversible de la lutte armée. Une fois ce pas franchi, la déclaration d’Aiete encourageait les Etats français et espagnol à ouvrir un dialogue traitant des conséquences du conflit basque.

Ce ne fut pas le cas : les Etats n’ont pas reconnu Aiete comme un acte diplomatique – situation paradoxale s’il en est puisqu’ils ne cessaient d’exiger le désarmement et la dissolution de l’organisation. La France comme l’Espagne ont poursuivi une politique d’exception à l’égard des prisonniers basques – jusqu’à empêcher l’ETA de procéder au démantèlement sécurisé de son arsenal.

Un modèle unique de désarmement

C’est finalement l’opération de désarmement de Louhossoa [Pyrénées-Atlantiques] qui a produit l’étincelle nécessaire : dans la droite ligne de leurs engagements pacifistes, les « artisans de la paix » y ont fait la démonstration de leur conscience citoyenne. Cette action a valu à Béatrice Molle-Haran et Txetx Etcheverry d’être arrêtés et placés en garde à vue « antiterroriste » – et ce bien qu’elle ait été applaudie et soutenue par la société basque et ses représentants, toutes sensibilités politiques confondues. Elle a d’ailleurs fait du modèle basque un modèle unique de désarmement où les élus locaux ont, par la suite, agi main dans la main avec la société civile.

Le 8 avril 2017, à Bayonne [Pyrénées-Atlantiques], une « journée du désarmement » s’est ainsi tenue, d’abord à l’hôtel de ville puis dans le cadre du rassemblement historique d’une foule immense et silencieuse. Ce désarmement a été possible grâce à Bernard Cazeneuve, le premier ministre français de l’époque, qui souhaitait l’inscrire dans le respect de l’Etat de droit – ce qui fut fait, avec la remise des coordonnées GPS des caches d’armes à Samuel Vuelta Simon, procureur de la République de Bayonne et ancien magistrat de liaison à Madrid.

Le 3 mai 2018, l’organisation ETA a annoncé sa dissolution. Dans le même temps, un espace de discussion s’est ouvert avec le ministère de la justice et la présidence de la République française sur la question des prisonniers basques. Des avancées ont eu lieu, qu’il s’agisse du rapprochement des prisonniers ou des décisions de libération conditionnelle. Mais, finalement, l’Etat n’a su répondre que par une logique de confrontation jusqu’à la fermeture du dialogue.

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