Deux versions pour un coup de téléphone entre Sergueï Choïgou et Sébastien Lecornu, ministres de la défense russe et français

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Le ministre des armées Sébastien Lecornu arrive à l’Elysée à Paris, le 26 février 2024, pour participer à une conférence internationale visant à renforcer le soutien occidental à l’Ukraine.

Sébastien Lecornu, le ministre français des armées, et son homologue russe, Sergueï Choïgou, ne s’étaient pas parlé depuis octobre 2022, en raison de la guerre en Ukraine. L’appel téléphonique entre les deux responsables a donc constitué une surprise, mercredi 3 avril, d’autant plus mystérieuse qu’il a donné lieu à des comptes rendus diamétralement opposés de la part de leurs services.

La conversation avait été sollicitée par M. Lecornu, à la demande d’Emmanuel Macron – qui n’a plus parlé avec Vladimir Poutine depuis septembre 2022 –, afin de tenter de relancer la coopération dans la lutte antiterroriste, près de deux semaines après l’attentat du Crocus Hall, près de Moscou, le 22 mars (au moins 144 morts et 360 blessés), revendiqué par la branche afghane de l’organisation Etat islamique. Ce groupe « avait conduit ces derniers mois plusieurs tentatives » sur le « sol » français, a indiqué M. Macron trois jours après l’attentat.

A quatre mois des Jeux olympiques de Paris, la France est en état d’alerte maximale et considère qu’une concertation avec la Russie peut permettre de déjouer d’éventuels projets d’attaque en marge des compétitions. Mais, tandis que la guerre s’enlise en Ukraine, Paris regrette que Moscou cherche à incriminer Kiev, et les capitales occidentales, dans l’attentat perpétré sur son territoire.

Lors du coup de fil, M. Lecornu a martelé que la France « ne disposait d’aucune information permettant d’établir un lien entre cet attentat et l’Ukraine » et a demandé à Moscou de « cesser toute instrumentalisation ». Sans convaincre, à en croire le compte rendu diffusé par le ministère russe de la défense, qui lui n’a pas hésité à insinuer, de façon délibérée : « Le régime de Kiev ne fait rien sans l’aval de ses superviseurs occidentaux. Nous espérons que, dans ce cas, les services secrets français ne sont pas derrière cela. »

« Rien à voir avec l’Ukraine »

Le ministère russe de la défense a aussi affirmé que les deux pays s’étaient dits « disposés à dialoguer » concernant la guerre en Ukraine. « Le point de départ pourrait être l’Initiative d’Istanbul pour la paix », a-t-il ajouté, en référence aux discussions vite avortées entre Kiev et Moscou, dans les premières semaines de la guerre. M. Lecornu avait indiqué un peu plus tôt avoir « condamné sans réserve la guerre d’agression que la Russie a lancée en Ukraine ».

Interrogé par Le Monde, le ministère des armées assure qu’« il ne faut pas analyser l’appel comme un moyen de rouvrir un canal de communication avec les Russes ». « La lutte contre le terrorisme est une priorité du gouvernement, cela n’a rien à voir avec l’Ukraine », explique l’entourage de M. Lecornu. Conscient des remous que cet échange téléphonique pouvait provoquer, le ministre français des armées a néanmoins prévenu plusieurs de ses homologues européens de son appel et dialogué avec eux à son issue, notamment pour éviter toute tentative de manipulation russe. « On a fait le service avant-vente et le service après-vente », assure-t-on à l’hôtel de Brienne.



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