Au Canada, premiers témoignages des victimes d’intimidations devant la commission sur l’ingérence étrangère

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L’ambassade de Russie à Ottawa (Canada), en mars 2018.

Ils sont venus témoigner à visage découvert de la façon dont leur pays d’origine les surveille, les harcèle, parfois même les traque sur le sol canadien. Les récits des représentants des diasporas chinoise, russe, iranienne ou indienne du Canada évoquant leur vie, celles de leur famille et de leur communauté, perturbées par les tentatives d’emprise de régimes étrangers, ont plongé, mercredi 27 mars, la commission sur l’ingérence étrangère au cœur de son sujet d’investigation.

Cette commission indépendante, chargée de faire la lumière sur les allégations d’intrusion d’Etats étrangers lors des élections fédérales de 2019 et de 2021, et sur la capacité du gouvernement et de ses agences à les détecter et à les contrer, a été créée le 7 septembre 2023 par le premier ministre libéral, Justin Trudeau.

Une enquête publique que celui-ci n’a concédée qu’après de longs mois de résistance ; mais les révélations, à l’automne 2022, faites notamment par le quotidien anglophone The Globe and Mail, alléguant que le Service canadien de renseignement et de sécurité soupçonnait Pékin d’avoir voulu favoriser une courte victoire du Parti libéral sortant, jugé moins préjudiciable à ses intérêts que l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement conservateur, avaient déclenché une véritable tempête politique.

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La pression conjointe du Parti conservateur, ulcéré du manque de transparence des autorités canadiennes sur le degré d’information dont elles disposaient à l’époque, et d’une opinion publique inquiète de la vulnérabilité de sa démocratie avait finalement eu raison des réticences d’Ottawa.

« Filatures » plus ou moins discrètes

« Je suis venu vous expliquer comment l’ingérence entre Etats se traduit au niveau individuel par des menaces, des intimidations, des pressions et des représailles », raconte Mehmet Tohti, membre d’une association de défense des droits des Ouïgours, devant la commission, présidée par la juge québécoise Marie-Josée Hogue, assistée de vingt avocats spécialistes des enjeux de sécurité nationale.

Arrivé au Canada en 1988, cet ancien ressortissant chinois appartenant à la minorité ouïgoure, victime de répression dans la région du Xinjiang, en Chine, énumère les multiples vexations ou restrictions de liberté dont il est l’objet, malgré sa citoyenneté canadienne : l’impossibilité de voyager dans certains pays (tels que la Turquie) ayant des accords d’extradition avec la Chine par peur d’y être éventuellement arrêté, l’« aspiration » répétée des données personnelles de son ordinateur ou de son téléphone, les « filatures » plus ou moins discrètes observées lors de ses déplacements sur le territoire canadien, ou encore l’interdiction faite à tous les membres de sa famille de communiquer avec lui ou de lui rendre visite. « Je sais que ma mère est morte dans un camp de concentration chinois. Mais je ne sais pas où, ni quand. C’est une vie condamnée à l’isolement total », conclut-il amèrement.

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