« A l’heure où la spiritualité facile nous encourage à éveiller le chaman en nous, sommes-nous à l’abri de devenir dangereux nous-mêmes ? »

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[Marc Bonomelli est journaliste indépendant, spécialisé dans l’étude du fait religieux et des nouvelles spiritualités. Auteur des Nouvelles Routes du soi. En immersion chez les nouveaux spirituels (Arkhê, 2022), il analyse dans une chronique mensuelle la spiritualité foisonnante de notre époque et la manière dont elle se réinvente. Des « néodruides » aux « soul surfers », ces nouvelles « routes du soi » semblent traverser tous les domaines, de la santé à la politique, en passant par le numérique, le développement personnel et, bien sûr, les religions.]

« Pendant quelques jours, on devient celle qui répond aux questions, qui a la parole juste, qui fait accéder les gens à d’autres états de conscience. Et c’est très agréable, cette sensation d’avoir la bonne réponse et de les guider. » Ces mots sont de Claire (elle préfère ne pas donner son nom de famille), professeure de yoga que j’ai récemment été amené à rencontrer. Passionnée par sa discipline, elle avoue que diriger un stage peut engendrer une certaine dépendance, car cette position de supériorité apporte une ivresse qui peut rendre accro. De retour chez elle, seule, Claire ressent même souvent un manque.

Combien de gourous, yogis et chamans glissent-ils dans la dérive sectaire ? L’attention des médias se concentre sur les victimes, mais est-on vigilant vis-à-vis de soi ? A l’heure où la spiritualité facile nous encourage à éveiller le chaman ou le guérisseur en nous, sommes-nous vraiment à l’abri de devenir dangereux nous-mêmes ?

Trois types de gourous

Dans son rapport d’activité de 2021, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) soulignait une « augmentation croissante du risque sectaire » dans le domaine de la santé, en incluant les mouvements axés sur le bien-être et l’alimentation, avec des dimensions ésotériques et spirituelles, comme le yoga ou le chamanisme. Régulièrement, une nouvelle affaire d’abus dans les accompagnements spirituels éclate, qu’il s’agisse des religions traditionnelles ou des spiritualités alternatives.

Les réseaux sociaux favorisent l’addiction et cultivent cette identité de « guide ». Les likes et les commentaires d’encouragement confortent ce statut de manière exponentielle. Le docteur Steve Taylor, maître de conférences en psychologie à l’université Leeds Beckett, décrit trois types de gourous dangereux : les narcissiques, les psychologiquement endommagés, et les bien intentionnés. Selon lui, « le besoin psychologique des disciples est la clé pour comprendre le syndrome du gourou. »

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