Vingt ans après avoir rejoint l’Union européenne, le retour des émigrés polonais à la maison

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En revenant à Varsovie en mars après plus de sept ans passés au Royaume-Uni, Kasia Brudnias a eu le sentiment de retrouver un tout autre pays que celui qu’elle avait quitté. Cette Polonaise de 49 ans avait fait ses valises en 2016, poussée par le chômage et les contrats précaires mal rémunérés qu’elle enchaînait en tant que journaliste à Varsovie. Elle a fini par les poser à Cheltenham, en Angleterre, pour y travailler dans l’hôtellerie.

Pour cette quadragénaire, qui n’était pas rentrée au pays une seule fois, le développement de Varsovie et de la Pologne est flagrant. « Il y a des restaurants exotiques un peu partout, les gens sont bien mieux habillés, les appartements sont bien aménagés… Nous sommes devenus cet “Ouest” auquel on a toujours aspiré », s’enthousiasme cette femme, désormais fonctionnaire du secteur de la santé.

S’il fallait une preuve de l’enrichissement de la Pologne depuis son accession à l’Union européenne (UE), le 1er mai 2004, il y a vingt ans, l’histoire des mouvements de sa population vient la fournir. Après un véritable exode vers l’Europe occidentale dans les premières années de l’adhésion, les départs ont progressivement cessé. Désormais, les Polonais se réinstallent chez eux. Depuis 2018, le pays enregistre plus d’immigration que d’émigration.

« Cela s’explique surtout pour des raisons économiques, explique Dominika Pszczolkowska, du Centre pour la recherche sur la migration à l’université de Varsovie. Il y a vingt ans, le chômage en Pologne atteignait 20 % ; aujourd’hui, il y a une pénurie de main-d’œuvre. »

Nette tendance

Les statistiques, bien que peu précises, indiquent une nette tendance au retour : en 2017, 2,5 millions de Polonais vivaient à l’étranger ; en 2023, leur nombre était tombé à 1,5 million. Entre ces deux chiffres, la méthodologie a changé, rendant la comparaison délicate. « Mais on peut dire que le nombre de Polonais à l’étranger a baissé de plusieurs centaines de milliers », estime Mme Pszczolkowska, qui vient de publier un ouvrage sur l’émigration polonaise (How Migrants Choose Their Destinations, Routledge, non traduit).

Ce travail universitaire retrace les vagues d’émigration polonaises du début du XXIe siècle : d’abord un flux massif, entre 2004 et 2008, majoritairement vers le Royaume-Uni et l’Irlande, qui n’avaient pas imposé de période de transition à la libre circulation, contrairement au reste des pays de l’UE ; ensuite, la crise financière de 2008, puis celle de la zone euro, qui ont ralenti les départs vers le reste de l’Europe ; enfin, le Brexit, voté en 2016, « qui a marqué un tournant ». La sortie du marché unique par la Royaume-Uni, effective depuis le 1er janvier 2021, a mis fin à la libre circulation des personnes. Par rapport au pic atteint en 2016, le nombre de Polonais vivant outre-Manche, qui avait dépassé un million, a baissé d’environ un tiers.

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