une proposition de loi examinée par le Sénat

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En 2020, Aurélie, qui n’a pas souhaité communiquer son nom, se réveille aveugle d’une nuit d’été. Cela lui arrive de temps en temps, quand elle a ses règles. Elle perd la vue pendant quelques heures, puis finit par la retrouver. C’est l’un des symptômes de sa « dysménorrhée invalidante », ou syndrome des règles douloureuses. A cette époque, Aurélie est vacataire et travaille à l’accueil d’un musée, en pleine période estivale. De peur d’être renvoyée, elle n’ose pas s’absenter et demande à son mari de l’accompagner jusqu’à son lieu de travail. « J’avais peur de me faire écraser par une voiture en chemin », confie-t-elle. Vomissements, maux de ventre, diarrhées… Les symptômes liés à la dysménorrhée sont très variés.

« L’égalité des chances ne peut exister à moins qu’on ne mette en place des aménagements particuliers pour les femmes souffrant de dysménorrhée », affirme Hélène Conway-Mouret. En avril 2023, la sénatrice socialiste représentant les Français établis hors de France a déposé une proposition de loi visant à « améliorer et garantir la santé et le bien-être au travail ». Examiné en séance plénière jeudi 15 février au Sénat, à l’occasion de la niche parlementaire du groupe Socialiste, écologiste et républicain, le texte prévoit des modalités d’organisation en télétravail pour les femmes souffrant de « dysménorrhée, dont l’endométriose » et la création d’un arrêt de travail spécifique, d’une durée ne pouvant excéder deux jours par mois et valable un an. Il s’appliquerait sans jour de carence et pourrait être mobilisé par toute personne bénéficiant d’une « prescription d’arrêt de travail » délivrée par un médecin ou une sage-femme.

« C’est un grand pas dans la reconnaissance de la souffrance de certaines femmes pendant leurs règles, salue Maud Leblon, de l’association Règles élémentaires. Surtout pour celles, les plus défavorisées socialement, qui ne peuvent pas se permettre de prendre des arrêts avec jours de carence. » Pour les concepteurs du texte, la mise en place de ce dispositif est aussi une manière d’encourager les salariées du public comme du privé à commencer un suivi médical.

« Souvent, les femmes ont renoncé aux soins depuis longtemps », assure Isabelle Derrendinger, présidente du Conseil national de l’ordre des sages-femmes. A toutes celles qui se sont vu répondre « c’est normal, ce sont tes règles », alors qu’elles se plaignaient d’avoir mal au ventre, Isabelle Derrendinger le rappelle : « Non, ce n’est pas normal. Les femmes ne doivent pas vivre leurs douleurs comme une implacable fatalité. »

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