Suzanne et l’empoisonneur : le fantôme de Jacqueline

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Le ciel est uniformément bleu, il ne fait pas encore trop chaud, ce matin du 19 juin 2017, au cimetière du Grand-Jas, square des Lauriers-Roses, à Cannes (Alpes-Maritimes). Entourées du brigadier-chef Stéphane Ragnoni et de trois autres policiers, du médecin légiste et de la vice-procureure, Evelyne et Marie-Martine Rencurel détournent le regard lorsque le cercueil de leur tante, Jacqueline Imbert, est exhumé du caveau familial par les agents des pompes funèbres. Ce qui subsiste du corps de la vieille dame, enterrée depuis deux ans, va être autopsié.

Quand le brigadier Ragnoni a reçu les deux sœurs au commissariat, dix jours plus tôt, une des premières questions qu’il leur a posées a été de savoir si leur tante, morte à 92 ans, avait été incinérée. Leur réponse négative avait semblé le rassurer et il s’était montré très intéressé par ce qu’elles étaient venues lui confier. Depuis qu’il enquête sur l’affaire de Suzanne Bailly, empoisonnée à trois reprises à l’atropine, le policier a déjà cherché à vérifier si son cas était isolé. Et voilà que le récit de cette histoire dans Nice-Matin, le 12 avril 2017, a conduit les sœurs Rencurel jusqu’à lui. En lisant l’article qui évoquait les soupçons pesant sur un certain « Olivier C. » dans le « viager empoisonné » du Cannet (Alpes-Maritimes), elles s’étaient posé la même question : serait-ce Olivier Cappelaere, celui que Jacqueline, leur tante, appelait son « filleul de cœur » et dont elle a fait son seul héritier ?

Elles l’avaient rencontré quelques fois. Un homme poli, serviable. Il avait même proposé à Evelyne Rencurel, qui vivait dans le Loiret, de l’aider à gérer la « paperasserie » de sa tante. Les deux nièces trouvaient qu’il s’occupait très bien de Jacqueline. Mais, à la lecture de Nice-Matin, des doutes les avaient assaillies. Tout était remonté : la contrariété d’Evelyne, quand sa tante lui avait brusquement retiré, à l’été 2014, sa procuration sur ses comptes bancaires, puis lui avait demandé de rendre les clés de la maison et le double de celle du coffre, dans lequel elle conservait, en espèces et en pièces d’or, les économies d’une vie de couple de commerçants sans enfant.

Suzanne a rangé les coupures de presse et quelques actes de justice dans une enveloppe, dans le porte-revues de sa cuisine à Belfort. Ici, en mars 2024.

Marie-Martine, elle, se souvenait parfaitement de la dernière journée passée avec sa tante, le 1er novembre 2014. Elles étaient allées ensemble fleurir les tombes familiales, s’étaient ensuite offert un bon déjeuner au restaurant et une promenade en voiture sur les hauteurs de Cannes. Quand elle l’avait quittée, vers 19 heures, après l’avoir aidée à se mettre en tenue de nuit, la vieille dame allait très bien. Tard dans la soirée, Marie-Martine avait été étonnée de recevoir un appel d’Olivier Cappelaere. Il se disait inquiet de ne pas parvenir à joindre Jacqueline. Le lendemain matin, il l’avait rappelée, alarmé, depuis le domicile de sa tante. Il l’avait trouvée « inanimée, dans le coma » et attendait l’arrivée du médecin. Marie-Martine l’avait aussitôt rejoint. Un détail curieux lui revenait : alors que Jacqueline était conduite à l’hôpital, Olivier Cappelaere avait vidé son frigo et son congélateur. Et un autre : il ne cessait de répéter au médecin que la vieille dame « ne voulait pas d’acharnement thérapeutique ». Jacqueline était morte deux jours plus tard, le 3 novembre.

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