« Si le scandale du sang contaminé débouche un jour sur des changements positifs, cela sera grâce aux militants »

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Le Royaume-Uni est en train de prendre la mesure du plus grand scandale sanitaire de son histoire. Entre les années 1970 et 1990, à cause de produits sanguins contaminés ou de transfusions sanguines, quelque 30 000 personnes ont été infectées par l’hépatite C, le VIH et d’autres maladies. Ce n’était pas un accident. Le rapport de l’enquête publique menée par le juge Sir Brian Langstaff, aujourd’hui à la retraite, a été publié le 20 mai. Il met en évidence « une série de fautes » commises par des hauts fonctionnaires, des responsables politiques et des médecins du système de santé britannique, le National Health Service (NHS). Plus de 3 000 personnes en sont mortes.

Comment en est-on arrivé là ? Dans les années 1960, des scientifiques ont mis au point un traitement révolutionnaire contre l’hémophilie. En fractionnant du sang congelé, ils sont parvenus à produire un concentré de facteur VIII, cette protéine essentielle au processus de coagulation sanguine. Distribué en flacons aux hémophiles, ce concentré réduisait drastiquement leurs risques de mourir d’une hémorragie. Pour beaucoup, c’était un remède miracle. Aussi le Royaume-Uni a-t-il autorisé son utilisation dès 1973. Mais le pays n’étant pas autosuffisant, il dut bientôt importer ces dérivés sanguins en quantité des Etats-Unis.

C’est là que les problèmes commencèrent. Pour encourager les dons de sang, les autorités américaines rétribuent les donneurs ; il s’agit donc souvent de personnes incarcérées ou sans domicile fixe, plus susceptibles d’être porteuses de maladies, telles que l’hépatite. C’est ainsi que, par le biais de ces produits sanguins importés, des milliers de Britanniques furent infectés par l’hépatite C et, dans un second temps, par le virus du sida. Beaucoup de ces personnes ont contracté ces maladies pendant qu’elles étaient hospitalisées, notamment lors d’un accouchement nécessitant une transfusion sanguine.

« Dissimulation de la vérité »

Les dirigeants politiques et hauts fonctionnaires de l’époque avaient connaissance de la catastrophe en cours. En 1980, le ministère de la santé et de la sécurité sociale a reconnu dans une note que le sang donné par des groupes à haut risque présentait un risque d’infection plus élevé. Deux ans plus tard, le conseiller du médecin-chef du Royaume-Uni [le conseiller gouvernemental le plus haut placé sur les questions relatives à la santé] a informé l’administration que le VIH pouvait se propager par le biais du sang donné.

Plusieurs experts ont alors exhorté le gouvernement à mettre fin aux importations de produits sanguins américains. Rien n’a été fait. Au lieu de cela, les gouvernements conservateurs et travaillistes ont déployé face à cette crise des « lignes de défense inexactes et trompeuses », comme rapporté par l’enquête publique. Sir Brian Langstaff a même constaté que des dossiers liés à l’affaire avaient été « délibérément détruits », dans le cadre d’une massive opération de « dissimulation de la vérité ».

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