Shein tente de contrer les offensives de Bruxelles grâce aux services d’un ex-commissaire

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Günther Oettinger, au siège de l’UE, à Bruxelles, en mai 2018. Il était alors commissaire européen chargé du budget et des ressources humaines.

En 2016, il s’était gaussé des Chinois qu’il rencontrait, « tous en costume, avec la même veste bleu marine à une poche, tous les cheveux peignés de gauche à droite, au cirage noir ». Huit ans plus tard, l’ancien commissaire européen Günther Oettinger, reconverti dans le lobbying, s’est pourtant mis au service de Shein, le géant chinois de la mode ultra-éphémère en ligne, soucieux d’améliorer son image en Europe, au moment où celle-ci entend adopter des réglementations qui pourraient entraver son activité.

L’entreprise, créée en 2008, est désormais valorisée à près de 60 milliards d’euros et prépare une introduction en Bourse à Londres, où les autorités réclament cependant un renforcement de la surveillance de ses pratiques d’approvisionnement et la transparence sur sa chaîne logistique.

Mise en cause, notamment par des eurodéputés, pour l’impact environnemental de ses opérations, les conditions de travail dans ses usines, la présence présumée de produits toxiques dans certains de ses vêtements ou des actes de plagiat, la société de « l’ultra-fast fashion » à bas prix redoute le renforcement de dispositions européennes relatives à la protection des consommateurs et aux droits de douane. La Commission a proposé, en 2023, de supprimer l’exemption de ces droits pour les colis de moins de 150 euros. De quoi handicaper le modèle économique du géant du commerce en ligne.

Quelques timides réformes

C’est manifestement pour tenter de peser sur les réformes en préparation à Bruxelles que l’entreprise s’est adjointe, au début de l’été, les services de M. Oettinger. Cet Allemand de 70 ans, membre de la CDU (droite), a occupé successivement les postes de commissaire européen à l’énergie, à l’économie numérique et au budget de 2010 à 2019. Dès 2020, il avait défrayé la chronique en introduisant, auprès des services de la Commission, treize demandes d’autorisation pour des activités de lobbying.

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Le passage du Portugais José Manuel Barroso de la présidence de la Commission (2004-2014) à la banque Goldman Sachs avait pourtant entraîné, en 2018, quelques timides réformes, dont l’obligation, pour les ex-commissaires, d’attendre deux ans avant une éventuelle reconversion afin d’éviter des conflits d’intérêts.

Depuis, M. Oettinger a fondé son cabinet de conseil et rejoint le comité consultatif de la société de conseil stratégique Kekst CNC, à laquelle Shein a versé 199 999 euros en 2023, selon le registre de transparence de l’Union européenne (UE). « M. Oettinger a une connaissance approfondie des rouages de l’administration européenne et, combinée à son accès aux réseaux influents de la CDU et du Parti populaire européen, elle pourrait lui conférer une influence disproportionnée sur la formulation et la mise en œuvre des politiques européennes », relève Hakim Lattef, chercheur en politiques européennes à l’université catholique flamande de Louvain.

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