Pourquoi le meurtre au couteau de Bordeaux n’est-il pas, à ce stade, considéré comme un attentat terroriste ?

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Des officiers de police bouclent une rue alors qu’une victime est évacuée suite à une attaque meurtrière, à Bordeaux, le 9 avril 2024.

Pour quelles raisons l’attaque meurtrière perpétrée jeudi 11 avril à Bordeaux n’est-elle pas, à ce stade des investigations, considérée comme un attentat terroriste par la justice ? Selon les premiers éléments divulgués vendredi 12 avril par la procureure de Bordeaux, le demandeur d’asile afghan qui a poignardé deux Algériens, dont l’un est mort, était pourtant mû par un mobile religieux : il aurait reproché à ses victimes de boire de l’alcool le jour de l’Aïd.

« En l’état, aucun élément ne milite en faveur d’une attaque à connotation terroriste », a néanmoins insisté la procureure, avant de préciser que le Parquet national antiterroriste (PNAT) restait « en évaluation ». Cette réticence de la justice à qualifier les faits de « terroristes » a suscité l’incompréhension d’une partie de l’opinion et la critique de certains médias (CNews, Sud Radio…) considérant qu’il s’agissait évidemment d’un attentat.

Ce hiatus entre l’analyse juridique du PNAT et sa perception dans certaines sphères provient en partie du fait que le terrorisme est un objet juridique et intellectuel protéiforme. Il ne fait l’objet d’aucune définition universelle (ni l’ONU ni la Cour pénale internationale ne s’entendent sur une définition unitaire) et continue d’alimenter de vifs débats dans le monde de la recherche. Mais surtout, sa définition en droit français ne recoupe pas toujours celles des sciences sociales ni même parfois le sens commun.

Un mode d’action

Dans le code pénal, les actes de terrorisme sont définis par l’article 421 comme devant être « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ». La loi ne précise pas la nature politique de ce crime, pourtant communément admise, mais son objectif et ses moyens. En d’autres termes, le terrorisme n’est pas une idéologie, c’est un mode d’action.

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Un fondamentaliste religieux ou un individu raciste peuvent ainsi tuer une personne considérée comme un ennemi idéologique sans que la nature terroriste du crime soit retenue. Le code pénal prévoit en effet déjà une aggravation des peines encourues lorsqu’un crime est commis « à raison de l’appartenance de la victime à une ethnie, une nation ou une religion ».

Le seul fait de commettre un meurtre au nom de la religion, comme cela semble être le cas dans l’attaque de Bordeaux, ne suffit donc pas à caractériser juridiquement un attentat terroriste, puisqu’à la différence d’idéologies comme le djihadisme ou de groupes comme l’Etat islamique, le but de la religion n’est pas de semer la « terreur », explique une source judiciaire.

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