pour Alice Grunenwald, juge des enfants, « certains placements pris en urgence sont vécus très douloureusement »

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Alice Grunenwald, juge des enfants et présidente de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, revient sur les moyens mis en place par la justice pour la prise en charge des enfants, dans les affaires de féminicide et sur les améliorations possibles.

Existe-t-il une prise en charge spéciale des enfants dans les cas de féminicide ?

Beaucoup de choses ont avancé ces dernières années, mais différemment selon les territoires. Dans le Rhône et en Seine-Saint-Denis, par exemple, des « protocoles féminicide » ont été signés avec les conseils départementaux et les services hospitaliers. Mais ce n’est pas le cas partout. La circulaire du 21 avril 2022 du ministre de la justice nous incite à mettre en place ce type de protocoles spéciaux, notamment quand les enfants mineurs étaient présents au moment des faits.

L’idée est de fixer un cadre précis impliquant le parquet, la police ou la gendarmerie, l’aide sociale à l’enfance [ASE], les établissements hospitaliers… Dès qu’un féminicide survient, le procureur prend alors une ordonnance de placement provisoire auprès de l’ASE avec une orientation dans un service hospitalier pour au moins soixante-douze heures, pour que l’enfant bénéficie d’une évaluation somatique, pédopsychiatrique et psychotraumatique. Pendant ces soixante-douze heures, l’ASE doit faire une évaluation des ressources familiales et faire une proposition de prise en charge de l’enfant.

Est-il alors question des faits dans votre bureau de juge des enfants ?

Non, pas vraiment, sauf si l’enfant le souhaite. Evidemment, nous lui demandons comment il va, mais pas de raconter ce qu’il s’est passé. Il a déjà été entendu par les enquêteurs pour cela. Chez nous, il parle de tout ce qu’il veut nous dire, et nous l’interrogeons sur où et avec qui il voudrait vivre, avec qui il voudrait maintenir des liens… Nous pouvons ensuite prendre des mesures d’investigation et d’assistance éducative.

Par exemple, si l’enfant a été confié en urgence aux grands-parents, une enquête peut être menée sur six mois pour valider ou non le placement. De même quant aux liens possibles avec la famille paternelle, ce qui est parfois difficile à entendre pour la famille maternelle…

Des avocats et famille de victimes dénoncent le fait que la famille du père auteur soit placée à égalité avec celle de la victime, dans les cas de féminicide ou même de violences conjugales, en expliquant que le système de violence englobe également la famille du père…

Sauf que ce n’est pas toujours vrai. Evidemment qu’il faut vérifier par des enquêtes, des deux côtés, que les personnes sont aptes à recevoir l’enfant. Mais si la grand-mère paternelle a toujours été une personne ressource pour l’enfant, doit-on avoir un a priori de principe ? Aujourd’hui, les discours manquent énormément de nuances. C’est très difficile pour les magistrats de la famille de naviguer dans ce contexte.

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