« On a pris ce qui traînait dans l’atelier communal »

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Des affiches de campagne à Lanques-sur-Rognon (Haute-Marne), le 15 mai 2024.

Victime d’une extinction de voix, Patrick Mangin a du mal à parler. Mais cela ne l’empêche pas de compter. A raison de 60 centimètres d’espace d’affichage minimum par candidat, le maire sans étiquette de Saint-Maurice-aux-Forges (Meurthe-et-Moselle) devait prévoir plus de 22 mètres de panneaux pour les trente-huit listes qui se sont déclarées aux élections européennes du 9 juin. « Presque 800 kilomètres de panneaux » si l’on compte les 35 000 communes du pays, soupire la voix éteinte de l’élu lorrain. « Des chiffres abominables », commente-t-il : il y aurait de quoi édifier un mur tout le long de l’autoroute du soleil…

Mais c’est surtout un casse-tête quand on ne dispose que de six panneaux électoraux dans son village de cent habitants. Et il fallait être prêt le 27 mai à 0 heure. « Le maire n’est pas là pour discuter la loi, mais pour l’appliquer », relève Patrick Mangin, précisant toutefois : « On a fait avec les moyens du bord. » La commune possédait une vieille table de ping-pong dont les pieds étaient cassés. Cela fera bien l’affaire, s’est dit le maire de Saint-Maurice-aux-Forges. Mise à la verticale, il y a de quoi découper huit emplacements d’affichage recto-verso – ce qui est théoriquement interdit.

Comme Patrick Mangin, tous les élus du pays ont dû faire avec les obligations de l’article L51 du code électoral et une circulaire signée le 4 avril par le ministre de l’intérieur. Les communes ne sont pas obligées d’acheter des panneaux métalliques. Elles peuvent se débrouiller. Et dans beaucoup de villages, c’est ce que l’on a fait. Maire de Sainte-Pôle, dans le même département que Patrick Mangin, François Philippe (sans étiquette) a tout simplement tracé à la craie des espaces sur un mur situé en face de la mairie et du bureau de vote. « Tout le monde est logé à la même enseigne », se réjouit l’édile de ce village de 190 habitants, en croisant les doigts : « La pluie n’a pas encore effacé les traits… »

« Situation ubuesque »

A Chamboret (Haute-Vienne), l’élu divers gauche a acheté des planches en contreplaqué. « C’était le moins coûteux, justifie Jean-Jacques Duprat, 500 euros, sans compter le temps de travail des agents. » Maire depuis 1977, il considère que l’affichage ne sert plus à grand-chose : « Les gens ne se décident pas le jour du vote en jetant un coup d’œil aux affiches. » D’autant que les candidats n’en impriment pas tous et que beaucoup de ces panneaux resteront donc vierges. Cette multiplication de listes est le symptôme d’« une société qui devient de plus en plus individualiste », s’inquiète-t-il.

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