Les tatoueurs interdits de tatouer en Corée du Sud

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Kim Do-yoon ne se cache pas mais préfère rester discret. Le tatoueur sud-coréen, surnommé « Doy », a aménagé son vaste salon, baptisé Inkedwall, au 7étage d’un bâtiment du centre de Séoul. Une fois franchie l’austère porte de métal, le visiteur retrouve le maître des lieux vêtu d’un ensemble gris évoquant le seungbok, la tenue des moines bouddhistes. Formé au design à l’université et passionné de peinture, « Doy » est venu au tatouage en considérant la peau comme un canevas « passionnant, car toujours différent ».

L’artiste crée des œuvres complexes aux traits d’une grande finesse qui lui valent de compter parmi ses clients des stars de la K-pop, des patrons de chaebols (conglomérats sud-coréens), des hommes politiques et même des policiers et des acteurs de Hollywood, dont Brad Pitt. Sa notoriété l’amène à réaliser des performances, à New York, à Londres ou à Hongkong. Pourtant, dans son pays, chacune de ses œuvres est considérée comme un crime et lui-même est poursuivi par la justice.

Le tatouage pratiqué sans formation médicale est illégal en Corée du Sud depuis une décision de la Cour suprême de 1992 qui a défini cet art comme un service relevant de la médecine. En 2016, puis en 2022, les neuf juges de la Cour constitutionnelle ont confirmé l’interdiction. Accédant aux ­exigences des professionnels de santé qui considèrent qu’ils sont les seuls à pouvoir exercer une pratique potentiellement dangereuse, en raison des risques d’infections et d’autres complications. Un argumentaire qui, selon le premier syndicat sud-coréen de tatoueurs, fondé par « Doy » en 2020, serait avant tout motivé par une simple question d’argent.

Quoi qu’il en soit, la répression continue de s’abattre sur les artisans, qui seraient deux cent cinquante mille dans tout le pays. Depuis avril 2022, au moins six artistes tatoueurs ont été condamnés à des amendes de 10 millions de wons (6 900 euros), voire à des peines de prison, généralement de deux ans. Dans le passé, certains se sont suicidés après leur condamnation.

Soutien de tatoueurs du monde entier

« Doy » a lui-même été condamné à une amende de 5 millions de wons (3 500 euros) en décembre 2022, après qu’une vidéo sur YouTube le montrant en train de tatouer un acteur sud-coréen est devenue virale. Il a fait appel de cette décision. Avec son syndicat, il travaille à la légalisation de cette pratique. En 2022, après la nouvelle confirmation de la Cour constitutionnelle, le syndicat a reçu le soutien de plus de mille tatoueurs du monde entier, dont les grands noms de la profession.

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