Les militaires ukrainiens dans le Donbass lassés d’attendre les munitions occidentales

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Les artilleurs d’une unité de la 12e brigade se préparent au tir de leur canon de 152 mm, Guiatsint-B, après avoir reçu un ordre par radio. Aux environs de Lyman, dans le Donbass, en Ukraine, le 4 mai 2024.

A l’issue d’une visite surprise à Kiev, mardi 14 mai, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, vêtu d’un jean et la guitare en bandoulière, a interprété Rockin’in the Free World, une reprise du chanteur américano-canadien Neil Young, dans un bar de la capitale ukrainienne. Une tentative très personnelle de remonter le moral de la population ukrainienne, ébranlé par une nouvelle offensive terrestre russe dans la région de Kharkiv.

Plus tôt dans la journée, costume sombre et cravate soigneusement nouée, le diplomate américain promettait à un président ukrainien, Volodymyr Zelensky, vêtu comme à son habitude d’habits militaires, que les 60 milliards de dollars (55 milliards d’euros) d’aide militaire américaine en cours d’acheminement vers son pays feraient une « réelle différence » sur le champ de bataille.

Visiblement anxieux, le chef d’Etat ukrainien a, lui, exhorté l’Occident à « accélérer les livraisons d’armes. Trop de temps s’écoule actuellement entre l’annonce des paquets [d’aide] et l’apparition réelle des armes en première ligne ».

Sur le front du Donbass, la portée de ces déclarations politiques est minimale, couverte par le vacarme des obus, missiles et bombes russes. Crispés en position défensive et manquant cruellement de munitions, les militaires ukrainiens ne tirent plus que le strict minimum pour repousser les attaques. Le « rapport de feu », la comptabilité des tirs de part et d’autre du front dans le jargon militaire, n’a jamais été aussi défavorable aux Ukrainiens, qui tirent en moyenne douze fois moins de projectiles explosifs (obus, missiles, roquettes et bombes) que l’envahisseur russe.

« Nous essuyons de grosses pertes »

Le Monde a interrogé des militaires appartenant à cinq brigades différentes déployées sur le front du Donbass, où se déroulent les combats les plus féroces. Tous assurent que ni les munitions liées au « plan tchèque » (800 000 projectiles annoncés cet hiver) ni celles associées au paquet d’aide américaine voté le 20 avril ne leur sont parvenues. « Nous lisons les nouvelles, mais nous sommes des réalistes, ici. Nous ne nous fions qu’à ce que nous avons réellement sous la main », explique Maksym (qui n’a donné que son prénom comme d’autres personnes interrogées), 28 ans, sergent-chef au sein de la 59brigade.

Appuyé sur une béquille, il promène son regard mélancolique sur l’entraînement d’une quinzaine d’hommes de sa brigade, non loin de Pokrovsk, à une vingtaine de kilomètres du front. Dissimulées sous la cime des arbres, les recrues font crépiter leurs fusils d’assaut et exploser des grenades. « Nous ne manquons pas de munitions pour les armes à feu », poursuit ce sous-officier à la barbe noire fournie. « Mais nous manquons de tout le reste : de drones, de brouilleurs antidrones, d’obus, de missiles… Et ce que nous observons, c’est que les livraisons continuent de diminuer et sont de plus en plus erratiques. Elles ne couvrent vraiment que le strict minimum. » Il raconte que sa jambe droite a subi de multiples fractures causées par l’explosion d’une grenade larguée par un drone ennemi. Comme de nombreux militaires blessés, il est devenu instructeur.

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