« Les Graines du figuier sauvage », à la pointe de l’effervescence d’un cinéma underground en Iran

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« Les Graines du figuier sauvage », du réalisateur dissident iranien Mohammad Rasoulof.

Samira, une monteuse de cinéma vivant en Iran, qui préfère utiliser un pseudonyme pour se protéger des représailles, a toujours respecté les lois et les codes en vigueur en République islamique d’Iran dans son travail. Dans les films que cette Iranienne d’une quarantaine d’années a montés, en accord avec la loi iranienne, il n’y a jamais eu d’actrices sans voile, aucun contact physique entre les hommes et les femmes, ni aucun dialogue portant sur la critique de l’islam ou du système politique du pays.

Depuis le soulèvement Femme, vie, liberté, qui a traversé l’Iran après la mort, en septembre 2022, de Mahsa (Jina) Amini, à l’issue de sa garde à vue à cause d’une apparence jugée « pas assez islamique », Samira a décidé de ne plus se soumettre à la censure. Ainsi, depuis plus d’un an, elle ne collabore qu’aux films qui se réalisent sans autorisation du ministère de la culture et de l’orientation islamique. Idem pour beaucoup de ses amis et collègues autour d’elle. Un phénomène inédit dans le cinéma iranien.

« Jusqu’en septembre 2022, mes collègues et moi-même reconnaissions que la censure était bien sûr détestable, mais nous nous sentions obligés de travailler avec, raconte Samira, jointe par WhatsApp depuis Téhéran. Après la mort de Mahsa, j’ai compris qu’accepter la censure était une forme de collaboration. Depuis 2022, je suis devenue enfin lucide : nous avons en face de nous un régime qui kidnappe et tue des enfants de 15 ans. Il tire sur les jeunes et les éborgne. Il n’était plus possible de travailler dans le cadre voulu par ce régime. »

Il y a quelques semaines, avec quinze collègues, Samira a fini le tournage d’un long-métrage sur la situation politique actuelle en Iran : une société qui vient de traverser le soulèvement le plus puissant de ces dernières quarante-cinq années ; des femmes qui osent, malgré le risque d’arrestation et de violence, sortir la tête découverte ; des jeunes en colère face à un régime qui ne répond que par la répression. « Dans le film, il y a des femmes sans voile et une séquence de danse [interdite en Iran]. Le sujet est clairement politique, parce que, en Iran d’aujourd’hui, tout est politique », affirme Samira.

Pressions psychologiques

Pour les scènes tournées dans la rue du film de Samira, les actrices, dévoilées, avaient un foulard ou un chapeau à portée de la main. « Au cas où », glisse Samira. Or, à des centaines de mètres du lieu du tournage, des voitures de la police des mœurs menaient des arrestations musclées des femmes jugées « mal voilées ». « Le battement de mon cœur ne s’est même pas accéléré, assure Samira. Je ne peux pas dire que je suis devenue plus audacieuse. Mais, pour moi, c’est important de ne plus respecter ce régime et ses règles. »

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