les enquêteurs bénévoles de la dernière chance

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Au commissariat de Périgueux, dans le Périgord, tous connaissent Ghislaine Debeve. La petite dame de 75 ans aux cheveux rouges passe souvent, présente sa carte d’« enquêtrice d’Assistance et recherche de personnes disparues (ARPD) », s’assoie et expose aux policiers ses découvertes et ses théories. Habitués, ils l’écoutent et prennent des notes. Son tableau de chasse est impressionnant : sur une centaine d’affaires de disparition depuis 2017, elle en a résolu une soixantaine. Retraitée depuis dix ans, Ghislaine Debeve consacre environ cinq heures par jour à ses recherches. Ses deux filles préféreraient qu’elle se trouve une activité plus conventionnelle : le bridge, par exemple.

« Je sais qu’elles ont peur pour moi, mais elles n’oseraient pas m’en empêcher, explique-­t-elle. Quand je suis sur une enquête, je leur téléphone pour les rassurer. Passer ma vie à garder les petits-enfants, ce n’est pas trop mon truc. » Quand elle a commencé à leur rendre visite, les policiers de son commissariat de quartier ne connaissaient pas ARPD. « Maintenant, je suis toujours bien reçue, reconnaît-elle. Ils savent que je ne veux pas marcher sur leurs plates-bandes mais juste leur livrer des informations récoltées qui peuvent être utiles. »

Depuis que la passion des faits divers, ou true crime, s’est emparée du pays, à la faveur de podcasts (« Crimes, histoires vraies », « L’Heure du crime », « Chroniques criminelles »…) et de séries documentaires à succès (Making A Murderer, Grégory, Don’t F**k with Cats…), ARPD ne rencontre pas de difficulté à recruter. Si environ un tiers des six cents enquêteurs bénévoles sont d’anciens policiers, gendarmes ou juristes à la retraite, on y trouve en majorité de simples citoyens sans expérience.

Ghislaine Debeve, retraitée bénévole à l’association Assistance et recherche de personnes disparues (ARPD), chez elle, près de Périgueux (Périgord), le 30 janvier 2024.

L’association, créée en 2003, recherche ceux qui se sont volatilisés. Elle est mandatée par les familles, qui remplissent un dossier précis, puis sont mises en lien avec un bénévole de leur région. Si les affaires traitées sont de toutes sortes – criminelles ou non, récentes ou plus anciennes, impliquant des adultes ou des mineurs –, ARPD reçoit le plus souvent des dossiers jugés non inquiétants par la police. Comprendre : des disparitions d’adultes qui ne présentent aucun élément criminel évident et pour qui les forces de l’ordre n’ont plus de temps depuis l’abrogation, en 2013, de la procédure de recherche dans l’intérêt des familles, qui permettait l’ouverture dans certains cas d’enquêtes officielles. Pour les proches, les bénévoles d’ARPD font alors office de dernier espoir.

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