« Le vieillissement dans le travail pose la question de la valorisation de l’expérience des anciens »

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Au fil des réformes des retraites, la question de l’emploi des seniors a fourni un bon exemple de ce qu’Alain Supiot nomme La Gouvernance par les nombres (Fayard, « Pluriel », 2020). Les modifications des paramètres d’accès à la retraite, des durées et des montants des indemnités chômage ou des effectifs éligibles aux départs anticipés ont visé entre autres à accroître le nombre des travailleurs âgés en emploi. S’y ajoute à présent, dans le document d’orientation pour un nouveau pacte de la vie au travail, un objectif de 65 % de taux d’emploi des 60-64 ans en 2030, dans six ans – contre 33 % aujourd’hui.

L’idée sous-jacente est qu’employeurs et salariés sauront adapter leurs décisions et leurs comportements pour que ces cadres numériques soient viables. Ce pronostic semble bien fragile. Le taux d’emploi des 60-64 ans a augmenté de 8,5 points sur ces six dernières années ; la hausse envisagée serait donc quatre fois plus rapide. Or, selon des enquêtes nationales, en 2021, 11 % des 55-61 ans n’étaient ni en emploi ni en retraite, pour raisons de santé ou de handicap.

En 2019, 18 % des 50 ans et plus ne se sentaient pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. L’appariement des données des caisses vieillesse et maladie a par ailleurs montré l’augmentation des absences autour de la soixantaine. Tous ces phénomènes s’accentuent si l’on s’intéresse aux peu qualifiés, ou chez les femmes salariées. Enfin, quand l’âge s’élève, les taux d’accès à la formation diminuent, et les durées de chômage augmentent.

Pour des politiques de prévention des risques à long terme

Ces constats plaident pour un renversement de perspective, en centrant l’attention sur le travail, ses contraintes, son sens pour celles et ceux qui l’exercent, les souffrances et les plaisirs qu’il fait naître ; en particulier vers la fin de la vie active, mais pas seulement. Les connaissances sur le vieillissement au travail et l’examen d’initiatives intéressantes dans certaines entreprises permettraient de soutenir les réflexions et d’orienter l’action en distinguant un vieillissement « par » le travail, « par rapport » à ses exigences, ou encore « dans » sa réalisation.

Le premier volet renvoie au cumul, au fil de la vie professionnelle, de contraintes ou de nuisances susceptibles d’accentuer ou d’accélérer la survenue de déficiences de santé, dans des domaines comme les articulations, la qualité de l’audition ou du sommeil. Ces effets persistent après la retraite, et c’est la justification principale du compte personnel de prévention (C2P). Celui-ci ouvre droit à des départs anticipés, du temps partiel ou une formation reconversion. Mais sa portée est limitée : il est assez récent, sans visée rétrospective ; ses seuils sont plutôt élevés, et les items d’efforts physiques ou d’exposition aux produits toxiques en ont été retirés en 2017.

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