Le réalisateur Philippe Lioret accusé de baisers forcés et de gestes « déplacés » par une dizaine d’actrices

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Une sensation de « malaise », une ambiance « malsaine », un « abus de pouvoir »… Dans une enquête publiée mardi 9 avril par Franceinfo, une dizaine d’actrices françaises dénoncent des baisers forcés et des gestes « déplacés » du réalisateur Philippe Lioret (Mademoiselle ; Je vais bien, ne t’en fais pas ; Welcome) pendant et en marge de castings.

Plusieurs comédiennes évoquent notamment les essais qu’elles ont réalisés, à l’été 2010, pour le film Toutes nos envies (2011). Hélène Seuzaret raconte ainsi qu’après plusieurs rencontres professionnelles, Philippe Lioret lui fixe un nouveau rendez-vous pour une séance de travail, un samedi, alors que les bureaux de la production sont fermés et que l’équipe du casting est en repos. Le réalisateur choisit de lui faire jouer une scène intime, entre une femme et son mari. « Une fois dehors, alors qu’on retourne à nos véhicules respectifs, il essaie de m’embrasser sur la bouche », se souvient Hélène Seuzaret. « Il se permet, parce que je suis en attente de ce rôle, de me voler un baiser », estime-t-elle.

Christine (un prénom d’emprunt), également castée pour un rôle dans Toutes nos envies, rapporte une scène similaire à Franceinfo. A l’issue d’un dîner qu’elle qualifie de « piège », l’actrice explique qu’au moment où elle s’apprête à entrer dans sa voiture, Philippe Lioret la saisit et l’embrasse, par surprise, sur la bouche – un acte qui constitue une agression sexuelle. « Il voulait sans doute savoir (…) si j’étais prête à ça pour avoir un rôle. J’ai été utilisée à cette fin de pouvoir me consommer. (…) Il n’y avait rien d’artistique là-dedans », affirme Christine. Nathalie (un prénom d’emprunt), qui a participé à l’un des premiers films de Philippe Lioret, dit, elle aussi, avoir subi un baiser forcé dans les années 1990.

Interrogé par Franceinfo sur ces témoignages, le réalisateur se défend en assurant ne « jamais [avoir] eu la sensation d’essayer d’abuser de qui que ce soit de toute [s]a vie ».

« Un sentiment de toute-puissance »

Outre ces baisers forcés, d’autres comédiennes dénoncent un comportement « inapproprié » de la part de Philippe Lioret. Toujours pour le film Toutes nos envies, Elodie Frenck se rappelle avoir été castée sur « une scène de baiser et d’attirance mutuelle » qu’elle a dû rejouer plusieurs fois : « Il a commencé à être très insistant. Il mettait sa bouche dans mon cou, il avait le souffle court, j’étais très mal à l’aise. (…) C’était de plus en plus désagréable. Il voulait me toucher plus pour que ce soit plus vrai. » L’actrice Amandine Dewasmes a dû jouer la même scène intime avec le réalisateur qui, selon ses mots, a « abusé de son pouvoir ».

« Il a abusé de son statut de directeur d’acteur, abonde la comédienne Emilie Deville : Au lieu de [rester derrière la caméra], il joue ton mari et il joue ton enfant, il te touche les hanches, son visage est sur ton sexe… Il y a un truc très malsain. »

D’après la directrice du casting de Toutes nos envies, Philippe Lioret semblait à l’époque « dans un sentiment de toute-puissance » et « se croyait tout permis ». « Après le succès de Welcome, il a décidé de devenir son propre producteur. Il était seul aux commandes. Il n’y avait plus de regard extérieur, de contrepoids, de contre-pouvoir », détaille-t-elle.

Contactée par Franceinfo, l’avocate de Philippe Lioret, Solange Doumic, déclare : « Dans le casting de Toutes nos envies, il avait choisi une scène de tendresse parce qu’elle est cruciale. Aujourd’hui, si des actrices se sentent heurtées, Philippe Lioret en est profondément désolé. Il ne s’en est évidemment pas du tout rendu compte. »

Mais il n’y a pas que la scène de tendresse, jouée avec le réalisateur, qui a posé problème aux comédiennes : certaines actrices affirment que, lors du casting, Philippe Lioret leur aurait demandé de « montrer leurs seins », alors que le scénario de Toutes nos envies ne comporte aucune scène de nudité. Dans les images des essais que Franceinfo a pu visionner, l’assistante de casting baisse effectivement le soutien-gorge de certaines comédiennes. Philippe Lioret assure, par la voix de son avocate, ne pas se souvenir de cela.

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A ce jour, aucune plainte n’a été déposée contre le réalisateur. Les comédiennes espèrent toutefois que leurs prises de parole vont permettre d’« assainir le métier ». « Vous n’avez pas à vous avilir pour obtenir un rôle. N’acceptez pas des choses qui vous paraissent déplacées, malsaines, perverses », résume Hélène Seuzaret à destination des actrices.

Le Monde

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