le gouvernement entérine le choix d’un indicateur jugé trompeur dans le nouveau plan Ecophyto 2030

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Un tracteur realise un traitement phytosanitaire dans ses vignes, dans le Sud de la France, le 5 avril 2024.

A l’inverse des trois versions précédentes, le nouveau plan Ecophyto 2030, qui annonce une « réduction de 50 % des pesticides » en agriculture, devrait parvenir sans mal à atteindre ses objectifs. Mais au prix d’un changement d’indicateur, qui ne mesurera plus la baisse réelle de l’usage des produits phytosanitaires, au-delà des retraits des molécules les plus problématiques prévus par la réglementation européenne.

Marc Fesneau, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, présentant le plan sur France Info et dans Le Parisien vendredi 3 mai, a en effet entériné l’abandon de l’indicateur d’usage des pesticides, le NODU (« nombre de doses unités »). Il est remplacé par un nouvel indicateur, controversé, fondé sur les tonnages de produits utilisés, modulés par leur statut réglementaire.

L’hypothèse d’un maintien du NODU au côté de cette nouvelle métrique n’avait jusqu’à présent pas été écartée : elle est désormais exclue, conformément aux demandes de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles. Le nouveau plan, qui doit être officiellement présenté le 6 mai mais dont Le Monde a pu consulter la dernière version, vise d’ici à 2030 une baisse de 50 % de ce nouvel indice, baptisé HRI-1 (« Harmonised Risk Indicator 1 ») par rapport à la période 2011-2013. Mais, à l’inverse du NODU, le HRI-1 n’est pas un indice d’usage.

Trompe l’œil

De fait, dans une prépublication rendue publique le 3 mai, une vingtaine de chercheurs et d’ingénieurs des universités et des organismes publics de recherche – dont une majorité de membres du conseil scientifique du plan Ecophyto – montrent que le HRI-1 est un trompe-l’œil. Non seulement, écrivent-ils, le nouvel indice « n’est pas supposé quantifier strictement l’usage des produits de protection des plantes et refléter de manière adéquate les changements de leurs usages », mais « il ne reflète pas les risques induits » par ces usages.

Pour Corentin Barbu, chercheur à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, l’un des principaux experts français des indices de recours aux pesticides, « l’acceptation du HRI comme indicateur de référence signe la fin des efforts sur la réduction des pesticides ».

Pour illustrer le biais du nouvel indice, les auteurs calculent le HRI-1 pour l’année 2021 : celui-ci a déjà baissé de 32,9 % par rapport à la période de référence (2011-2013). L’objectif des 50 % de baisse du nouvel indice est donc déjà presque rempli, ce alors que le tonnage total de pesticides vendus en France a continué à croître et que leur usage indexé par le NODU est resté quasi stable au cours de la même période.

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