l’armée accusée de torture et de disparitions forcées contre des Gazaouis

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Anat Matar (au centre), professeure de philosophie à l’université de Tel-Aviv et militante des droits humains, lors d’une manifestation devant la base de Sde Teiman, le 20 avril 2024.

Quelques dizaines d’Israéliens s’installent en silence devant le grillage de la base militaire de Sde Teiman, dans le désert du Néguev, sous le soleil piquant d’une matinée d’avril. « Sde Teiman, camp de torture », est-il écrit, en anglais et en arabe, sur l’une des banderoles noires qu’ils déploient. Des centaines de Palestiniens arrêtés par l’armée à Gaza sont détenus dans les baraquements derrière les manifestants. Depuis le 7 octobre 2023, « les maltraitances [à l’encontre des Palestiniens] ont atteint un pic particulièrement tragique, avec des violences féroces motivées par la vengeance. Cet endroit incarne ces crimes plus que tout autre », lit, émue, Oneg Ben Dror, l’une des organisatrices du rassemblement, la bouche sèche et les mains tremblantes.

Au bout d’une dizaine de minutes, le sit-in se disperse. Quelques jours auparavant, le 18 avril, l’ONG Physicians for Human Rights Israel (PHRI) – où Mme Ben Dror travaille par ailleurs – a publié une pétition signée par plus de 1 000 médecins israéliens et internationaux demandant la fermeture de Sde Teiman. « La présence de personnel médical dans un lieu où le traitement et les conditions s’apparentent à de la torture est interdite », peut-on y lire. Selon deux sources très au fait des conditions de détention, au moins une quarantaine de Palestiniens de Gaza sont morts alors qu’ils étaient détenus par l’armée israélienne.

Cette dernière a reconnu des décès, notamment de détenus « avec une maladie préexistante ou blessés dans le cadre des combats », sans préciser officiellement leur nombre. Elle affirme que des enquêtes ont été ouvertes pour chaque cas, mais qu’elles sont toujours en cours. Sollicité par PHRI, le ministère de la santé israélien a fait état, fin mars, d’une seule autopsie pratiquée depuis le 7 octobre, ce qui laisse penser que l’immense majorité des décès n’ont pas été suivis d’un tel examen.

Ni juge ni avocat

Israël refuse de divulguer le nombre de détenus gazaouis aux mains de l’armée, à Sde Teiman ou ailleurs. Les Palestiniens ignorent très souvent pourquoi ils ont été arrêtés ; ils ne voient ni juge ni avocat. Les seuls détenus gazaouis comptabilisés sont ceux des prisons israéliennes : 865 sont incarcérés sous le statut de « combattants illégaux ». Leurs noms ne sont pas publiés. Les familles de Gaza « demandent une seule chose, très simple : leurs proches sont-ils vivants ou non ? Depuis six mois, nous ne pouvons leur répondre, résume Naji Abbas, responsable de ce dossier à PHRI. Ce sont des disparitions forcées. »

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