« L’archéologie des conflits contemporains », l’étude des guerres du XXᵉ siècle au secours de l’histoire

4872


La revue des revues. Pour le grand public, l’archéologue fouille le sol pour retrouver les traces du plus lointain passé, afin de comprendre une histoire que, faute d’archives, de récits, de ruines ou monuments visibles, nous peinerions à connaître. Ce n’est que très récemment que les archéologues français ont commencé à pratiquer « l’archéologie du passé contemporain », sur les traces de l’« historical archeology » pratiquée aux Etats-Unis dès les années 1950.

Il s’agit de « compléter » ce que révèlent les sources classiques par les techniques propres à l’archéologie : étudier les objets laissés par les hommes dans leur contexte pour mieux comprendre les usages qu’ils en avaient, et par conséquent leur vie quotidienne, leurs pratiques et coutumes, dont la matérialité est parfois fort éloignée des récits qui en sont faits.

Le cycle de commémorations de la première guerre mondiale et l’approche des 80 ans du débarquement en Normandie ont ravivé l’intérêt du public pour la mémoire des deux conflits mondiaux.

Cependant, comme le relève l’historien François Crochet dans ce numéro de la Revue archéologique de l’Ouest (RAO) consacrée à « L’archéologie des conflits contemporains », « les Français ne veulent plus d’une histoire institutionnelle (…), ni d’une histoire héroïsante », mais d’« une histoire du sensible, de l’intime, du for intérieur et de la famille. Ils souhaitent savoir – et presque sacraliser – les conditions vécues par l’arrière-grand-père dans ses combats ».

Apports au savoir historique

Or, « ce mouvement, davantage mémoriel qu’historien, se fait souvent dans l’anachronisme et la confusion des genres et des époques ». D’autant que les collectivités locales sont souvent friandes de la mise en scène de bribes patrimoniales à des fins touristiques, sans parler des collectionneurs de « militaria » échangés sur un marché en plein essor grâce aux fouilles sauvages, pourtant interdites.

La première fouille archéologique autorisée en France sur un vestige du XXe siècle fut, en 1991, l’exhumation de la sépulture de l’écrivain Alain-Fournier, tombé au combat le 22 septembre 1914. Encore en 1997, l’exhumation de l’épave d’un avion anglais abattu en 1945 en Lorraine fut considérée par le ministère de la culture comme hors du champ d’une intervention archéologique classique. Ce n’est qu’en 2009 que la fouille d’un camp de prisonniers allemands de 1944 fut autorisée au titre de l’archéologie préventive.

Depuis, ces interventions se sont banalisées, et leurs apports au savoir historique reconnus, en particulier lorsque la fouille des camps d’extermination de Belzec ou d’Auschwitz permet de démentir les récits négationnistes exploitant les failles des archives et des témoignages. Ou que la fouille des forêts du champ de bataille de Verdun permet de déterminer les effets de la pollution des sols, et les modes de reboisement qui peuvent y remédier. Autant d’exemples présentés dans cette parution abondamment illustrée qui gomme l’apparent paradoxe d’une « archéologie contemporaine ».

Il vous reste 4.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link