La mer Baltique confrontée à l’effondrement de ses stocks de poissons

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Un scientifique allemand déploie une sonde hydrographique en mer Baltique afin d’étudier les effets de la construction d’un pipeline entre Mukran à Lubmin, au large de Sassnitz (Allemagne), le 1ᵉʳ février 2024.

Depuis l’intérieur feutré de son restaurant de poisson à Wladyslawowo, une localité balnéaire sur la côte polonaise, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Gdansk, Rafal Golla, qui jette ses filets en mer depuis trois décennies, ne rêve que d’une chose : mettre son bateau au rebut et toucher les financements de l’Union européenne pour la reconversion des pêcheurs de la mer Baltique. « J’espère pouvoir le faire dès début 2025. Sortir en mer pour quelques sprats, à quoi bon ? Je me contente de prendre le large les quatre-vingt-dix jours annuels réglementaires pour prétendre aux aides. La pêche dans la Baltique est morte en Pologne », affirme ce quadragénaire, qui tient avec sa femme un établissement à succès – Tawerna Klipper – et vient d’inaugurer cinq appartements à destination des vacanciers toujours plus nombreux à séjourner sur le rivage baltique.

« Au début des années 1990, j’avais trois employés, il y avait du cabillaud à profusion. Il n’y en a plus, les sprats qu’ils mangent sont attrapés en masse par de gros bateaux, qui les transforment en farine animale [pour nourrir les saumons d’élevage] », explique-t-il. Le profil de ce pêcheur côtier reconverti en restaurateur, profitant des touristes affluant les mois de juillet et d’août sur les plages de la mer Baltique, n’a plus rien de surprenant.

« Nous avons perdu 50 % de nos membres en dix ans : nous en comptons 120 aujourd’hui », confirme Jacek Wittbrodt, à la tête de l’Association des pêcheurs en mer, basée à Wladyslawowo. Ce sexagénaire, lui-même pêcheur, ajoute que « le cabillaud et le saumon, auxquels les petits pêcheurs côtiers n’ont plus accès, constituaient pourtant l’essentiel de notre gagne-pain. Nous ne pouvons pas vivre des seuls poissons plats ». Afin d’arrondir ses fins de mois, son organisation a, elle aussi, cédé aux sirènes des estivants, transformant plusieurs parcelles de son parking en emplacements pour camping-cars.

« Depuis quatre ans, c’est catastrophique »

La diminution des stocks halieutiques de la Baltique n’est certes pas nouvelle, mais elle ne cesse de s’aggraver, accusant le contrecoup d’une pêche effrénée jusqu’à la fin des années 1980, avant que les ressources en poissons ne se mettent à fléchir. « A cette époque, il y en avait tant qu’on prenait ce qu’on voulait. Le pays entier attendait son poisson », reconnaît Jacek Wittbrodt.

En novembre 2021, après de multiples mises en garde des pêcheurs et scientifiques, et un moratoire au deuxième semestre 2019, le conseil des ministres de l’Union européenne a fini par interdire la pêche commerciale du cabillaud en mer Baltique. A l’instar du cabillaud, le saumon ne peut être pêché qu’accidentellement. Les quotas de sprats ont également été réduits. Quant au hareng, un autre poisson-clé pour les pêcheurs de cette mer du nord et de l’est de l’Europe, il se raréfie dangereusement tandis que Bruxelles rechigne à interdire purement et simplement sa capture.

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