En Slovaquie, la victoire du candidat de la peur

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La victoire de Peter Pellegrini, candidat allié au premier ministre nationaliste populiste Robert Fico, à l’élection présidentielle en Slovaquie, samedi 6 avril, n’est une bonne nouvelle ni pour la cohésion de l’Union européenne (UE), ni pour le soutien à l’Ukraine dans la guerre que lui livre la Russie, ni pour l’Etat de droit. M. Pellegrini, 48 ans, a remporté le deuxième tour du scrutin en battant, avec 53 % des voix, l’ex-ministre des affaires étrangères Ivan Korcok, un centriste pro-européen qui s’était engagé à tout faire pour que la Slovaquie reste « libre et démocratique ».

Le plus préoccupant est la manière dont M. Pellegrini a réussi à inverser la dynamique du premier tour, à l’issue duquel M. Korcok était arrivé largement en tête, avec 42,5 % des suffrages. En deux semaines, Peter Pellegrini et Robert Fico ont transformé la campagne en un vote sur la guerre en Ukraine, en misant sur la peur de l’électorat slovaque et en caricaturant leur adversaire comme l’homme qui allait entraîner le pays dans la guerre. L’image est d’autant plus abusive que la Constitution slovaque n’attribue au président de la République aucune compétence en matière de sécurité et de défense nationale.

Mais, dans ce pays de 5,5 millions d’habitants, traversé par des courants conspirationnistes, en particulier depuis la pandémie de Covid-19, et prorusses, soigneusement entretenus par la désinformation de Moscou, la diffamation a fait mouche. Les voix de l’extrême droite et celles de la minorité hongroise, agitée par Budapest, ont apporté à Peter Pellegrini l’appui qui lui avait manqué au premier tour. Reconnaissant sa défaite, Ivan Korcok a accusé son adversaire d’avoir propagé « la peur ». « Nous avons vu un homme qui peut devenir président en répandant la haine et les passions et en transformant son opposant en candidat de la guerre », a-t-il dénoncé.

Complaisance à l’égard de Poutine

Bien que la fonction présidentielle soit en grande partie honorifique en Slovaquie, le chef de l’Etat a la possibilité de peser sur certaines nominations, notamment dans l’appareil judiciaire, et de renvoyer des lois au Parlement. La présidente sortante, Zuzana Caputova, une avocate élue dans la foulée d’un vaste mouvement populaire contre la corruption, avait usé de sa position dans ce sens, avant de renoncer à se représenter, dégoûtée par les attaques menées contre elle.

Renforcé par la victoire de son allié, M. Fico, revenu au pouvoir en octobre 2023 après en avoir été écarté, s’est félicité que les Slovaques aient « reconnu les menaces que font peser sur ce pays les médias libéraux, les activistes, les ONG et les progressistes ». M. Pellegrini a pour sa part promis de tout faire « pour que la Slovaquie reste du côté de la paix et non de la guerre ».

Après avoir perdu la Pologne, désormais dirigée par le pro-européen de centre droit Donald Tusk, le dirigeant hongrois Viktor Orban peut aujourd’hui compter sur le soutien sans faille de la Slovaquie au sein de l’Union européenne. Robert Fico et lui partagent la même complaisance à l’égard du régime de Vladimir Poutine, avec lequel ils restent en contact, le même refus d’aider l’Ukraine à se défendre et le même mépris pour les lois de la démocratie. L’UE n’est pas impuissante pour autant ; au cours des derniers sommets européens, Robert Fico a évité d’user de son pouvoir de veto sur l’aide à l’Ukraine, préférant ménager les avantages économiques que lui apporte Bruxelles. Mais vigilance et fermeté s’imposent face à ce sursaut prorusse en Europe centrale.

Le Monde

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