En Grèce, la loi autorisant des universités privées ne passe pas auprès des étudiants

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Depuis jeudi 7 mars, le rectorat de l’université d’Athènes est occupé par des étudiants en colère. Sur le fronton du bâtiment néoclassique au cœur de la capitale, une affiche appelle à « mettre le feu au projet de loi » qui devait être adopté vendredi soir par le Parlement grec. Ce texte permet aux universités privées de s’installer en Grèce, autorisant notamment les grands établissements de renom américains ou anglais à ouvrir des annexes à Athènes et à procurer des diplômes équivalents à ceux des établissements publics. Après neuf semaines de mobilisation et de rassemblements souvent émaillés de violence, plus de 17 000 personnes, selon la police, ont défilé vendredi dans les rues d’Athènes.

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Pour l’opposition de gauche, la loi viole l’article 16 de la Constitution de 1974, adoptée après la chute de la dictature des colonels, qui dispose que l’enseignement supérieur est exclusivement dispensé par des institutions publiques. Le premier ministre conservateur, Kyriakos Mitsotakis, a répliqué à la tribune de la Vouli (le Parlement) que « c’était un anachronisme » qui devait être révisé pour « mettre la Grèce sur la carte mondiale de l’éducation ». Le chef de l’exécutif espère ainsi attirer des investissements étrangers, des étudiants étrangers et permettre aux jeunes Grecs « d’étudier dans des universités internationales sans quitter leur pays ».

Selon l’Unesco, en 2021, plus de 40 000 bacheliers grecs sont partis étudier à l’étranger sans revenir dans leur pays d’origine. La Grèce détient ainsi, au sein de l’Union européenne (UE), le plus grand nombre d’étudiants à l’étranger, proportionnellement à sa population.

« Revanche idéologique de la droite »

Au milieu de la foule vendredi, Dimitris Christopoulos, doyen de science politique à l’université Panteion d’Athènes, estime que cette loi « est une revanche idéologique de la droite grecque, qui a essayé, depuis une trentaine d’années, de mettre un terme à cette exception grecque qui veut que l’éducation supérieure soit exclusivement publique ». Pour l’universitaire, « les bons établissements publics vont se maintenir face à la concurrence du privé mais pas forcément ceux plus petits, en province, qui ont peu de moyens ».

Mais ce qui l’inquiète le plus, c’est « cette logique de désinvestissement dans le public au profit du privé ». « On a vu ce que cela a donné dans le domaine de la santé. Les hôpitaux publics sont dans un état terrible, alors que les cliniques privées fleurissent partout en Grèce », précise-t-il.

Les universités grecques ont subi de grosses coupes budgétaires à la suite de la crise économique et des cures d’austérité imposées par les créanciers (UE, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international), entre 2008 et 2018. Selon les dernières données de la Banque mondiale, la Grèce dépensait, en 2021, 4,1 % de son produit intérieur brut (PIB) dans l’éducation, alors que la France investissait à cette même période 5,2 % de son PIB.

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