En Géorgie, la présidente Salomé Zourabichvili, ultime recours des opposants à la « loi russe »

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La présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili, après la célébration du Jour de l’indépendance, à Tbilissi, le 26 mai 2024.

A couteaux tirés au sujet de la loi « sur l’influence étrangère », le premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidze, prorusse, et la présidente, Salomé Zourabichvili, pro-européenne, se sont accusés mutuellement de trahison à l’occasion du Jour de l’indépendance de la Géorgie, dimanche 26 mai, révélant l’ampleur de la crise politique qui secoue le pays.

Depuis la tribune officielle dressée ce jour-là sur la place de la Liberté à Tbilissi, Salomé Zourabichvili, veste blanche et corsage rouge, couleurs du drapeau géorgien, a réitéré son opposition au texte de loi, contre lequel elle a mis son veto, il y a dix jours.

Imposée par Rêve géorgien, le parti au pouvoir, en dépit des protestations quasi quotidiennes d’une bonne partie de la population, la nouvelle législation est décrite par la présidente, l’opposition et les représentants de la société civile comme un copié-collé de la loi russe sur les « agents étrangers ». Plus largement, elle est perçue comme une basse manœuvre du Kremlin, bien décidé à ramener la petite république du Caucase dans son orbite, avec le consentement du parti au pouvoir.

Fondateur et président honoraire de Rêve géorgien, l’oligarque Bidzina Ivanichvili, qui dirige le pays dans l’ombre, a récemment tombé le masque, tournant le dos aux Occidentaux pour mieux embrasser le modèle auquel il doit tant après avoir notamment amassé sa fortune, 4,9 milliards de dollars (4,5 milliards d’euros) – soit la moitié du produit intérieur brut actuel de la Géorgie (7,7 milliards de dollars en 2023) –, en Russie dans la décennie 1990-2000. Depuis 2012, ses actifs russes ont certes été vendus et il s’est tourné quelques années plus tard vers la France, qui lui a accordé la nationalité et la Légion d’honneur, mais l’essentiel de ses contacts d’affaires est resté en Russie, où il a passé les trois quarts de sa vie d’adulte.

Son tournant prorusse a fait réagir Mme Zourabichvili, qui n’a pas le pouvoir de le contrer, les fonctions de la présidente étant largement honorifiques. Son veto sera d’ailleurs aisément surmonté, mardi, lorsque le Parlement réuni en séance plénière, dominé par Rêve géorgien, votera une nouvelle fois en faveur de la loi. Il lui reste quand même un atout de taille, sa « libre parole », dont elle use avec brio en cette période d’incertitude sur l’orientation de la politique étrangère du pays.

L’ultime recours des Géorgiens pro-européens

« L’ombre de la Russie plane sur la Géorgie », a-t-elle averti, dimanche, se disant affligée de « devoir rappeler à certaines personnes qui est l’ennemi et qui est l’ami ». A ses yeux, une seule orientation est possible, celle du « rapprochement avec l’Europe et les Etats unis ». Un rapprochement confirmé en décembre 2023, lorsque l’Union européenne (UE) a donné le statut de candidat à Tbilissi mais que la loi sur « l’influence étrangère », condamnée par Bruxelles, Washington et par les experts de la Commission de Venise – un organe consultatif du Conseil de l’Europe – , risque de compromettre. « Ceux qui sabotent cette voie piétinent l’avenir pacifique et libre de notre pays », a-t-elle déclaré, tandis que, debout à ses côtés sur la tribune, le premier ministre, Irakli Kobakhidze, rongeait son frein.

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