En Colombie, les lents progrès de la justice transitionnelle

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Le président de la juridiction spéciale de paix, Roberto Carlos Vidal Lopez, à Bogota, le 6 juin 2023.

Ils ont assassiné, ils vont maintenant planter des arbres. « Nous allons semer la vie pour essayer de nous faire pardonner et construire la paix, explique Henry Torres. Nous sommes extrêmement reconnaissants envers la juridiction spéciale de paix [la JEP], qui nous offre cette opportunité. » Général de l’armée de terre, Henry Torres est le plus haut gradé à avoir avoué ses crimes devant les magistrats de la juridiction.

La JEP a été mise en place par l’accord de paix signé en 2016 entre les autorités et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Elle a pour fonction de juger les guérilleros et les militaires qui se sont rendus coupables de crimes atroces pendant le long conflit armé qu’a connu le pays. Et de condamner à des peines dites alternatives ceux d’entre eux qui auront reconnu leurs crimes et demandé pardon à leurs victimes.

Ce mardi 2 avril, dans le massif du Sumapaz situé à plus de 3 000 mètres d’altitude et qui s’étend au sud de Bogota, la JEP inaugurait son premier programme de justice restaurative. Au total, 48 anciens militaires mis en examen participeront au projet de reforestation baptisé « Semis de vie ».

6 402 jeunes assassinés par l’armée

Tous ont avoué, aucun n’a encore été condamné. « L’idée est de commencer dès maintenant le travail de réparation des victimes et de reconstruction de la confiance », explique M. Torres. Le président de la JEP, Roberto Carlos Vidal Lopez, le maire de Bogota et des représentants des associations de victimes du conflit armé assistaient à la cérémonie.

Deux autres projets doivent démarrer dans les semaines qui viennent, l’un dans la région de Medellin et l’autre auprès de la communauté autochtone des Awa, dans le sud du pays. D’autres encore suivront : plusieurs centaines d’anciens guérilleros et militaires doivent être incorporés à des projets d’intérêt collectif pour purger leurs peines alternatives. Protection de la nature, déminage, alphabétisation, construction d’infrastructures rurales, travail de mémoire : les tâches assignées seront diverses. « L’idée n’est pas de réparer le mal causé à une communauté ou à un groupe d’individus spécifique, mais de réparer et de compenser symboliquement l’ensemble des victimes et le pays tout entier », explique M. Vidal Lopez.

Lire notre entretien : Article réservé à nos abonnés « L’accord de paix colombien peut être un exemple pour le monde entier »

Les 48 militaires qui s’apprêtent à creuser la terre ont été mis en examen dans le cadre du « macro-dossier » n° 3 qui concerne les « faux positifs » – un « positif » étant un objectif atteint avec succès dans le jargon militaire. Dans les années 2000, ces hommes ont ainsi ordonné, organisé ou exécuté l’assassinat de jeunes garçons qu’ils présentaient comme des guérilleros morts au combat pour gagner une permission, une prime ou du galon. En septembre 2023, le général Torres a admis avoir participé à l’assassinat de 196 civils… La JEP a établi le nombre total de 6 402 jeunes assassinés par l’armée.

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