« Du jour au lendemain, je n’ai plus réussi à lire ni à tenir une conversation avec mes enfants »

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Chaque lundi à Talence, en périphérie de Bordeaux, une dizaine de femmes passent discrètement le portail de la Maison des Burnettes, entourée d’un mur de verdure. L’ancienne maison d’un domaine viticole fut le refuge des habitants de la ville pendant la seconde guerre mondiale. La demeure reçoit désormais des femmes, de tous âges, exerçant différents métiers, des mères célibataires pour la plupart, et victimes d’un syndrome d’épuisement professionnel.

L’accueil par les membres de L’Burn se fait autour d’un café, dans les salons « décorés par une ancienne burnette [une femme qui a adhéré à l’association après un burn-out] ayant fait une reconversion dans l’architecture d’intérieur », indique Anne-Sophie Vives, directrice de l’association, qui fête ses 5 ans d’existence et reçoit des demandes d’adhésion toujours plus nombreuses.

L’ancienne notaire assistante, qui a elle-même connu un « burn-out sévère », avec perte de la mémoire immédiate, raconte son choix d’aider d’autres femmes : « Je l’ai longtemps caché à mon entourage. J’ai pu me reconstruire en parlant avec d’autres femmes de ma difficulté à concilier mon travail, mon rôle de mère et celui de femme. » Avant de préciser sa démarche : « Nous sommes aujourd’hui deux fois plus concernées, à cause des inégalités intrafamiliales et professionnelles, de la charge mentale et de la difficulté à concilier vie privée et vie professionnelle. C’est un épuisement multifactoriel, qui nécessite un accompagnement spécifique. »

« Errance médicale »

Les chiffres de fréquentation à l’association confirment les dernières conclusions de Santé publique France. En effet, selon le bulletin épidémiologique du 5 mars, la souffrance psychique en lien avec le travail était deux fois plus importante en 2019 qu’en 2007 et, sur toute cette période, cette souffrance était deux fois plus élevée chez les femmes, avec notamment davantage de troubles anxieux et dépressifs.

Grâce à des fonds publics et à plusieurs mécénats, dix salariées et une trentaine de bénévoles actives de l’association sont venues en aide à plus de 600 femmes en Gironde et ailleurs en France (grâce à la visioconférence) en 2023. Groupes de parole, permanence juridique ou encore ateliers de remobilisation professionnelle… le dispositif a été pensé avec des spécialistes du secteur (médecins, avocats), tout en se basant sur la « pair-aidance », l’entraide entre personnes ayant souffert de la même maladie somatique ou psychique.

« Il existe peu de structures qui permettent aux femmes de se faire aider. Elles arrivent parfois chez nous après une errance médicale, car elles n’ont pas trouvé de psychiatre. Des médecins généralistes nous envoient même leurs patientes », note Anne-Sophie Vives. Pour toute cette singularité, l’association a été finaliste en 2023 du prix de la fondation La France s’engage, présidée par François Hollande. L’ancien chef de l’Etat, qui s’est rendu à la Maison des burnettes en février, a salué à ce titre leur « travail d’expertes » sur cette « souffrance mentale, qui n’est pas simplement une dépression et qui devrait être reconnue comme maladie professionnelle ».

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