Devant la commission sénatoriale sur le narcotrafic, les magistrats marseillais appellent à un « plan Marshall »

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Le parc Kalliste, dans les quartiers nord de Marseille, le 10 mai 2022.

« Nous sommes en train de perdre la guerre. » Devant la commission d’enquête sénatoriale sur le narcotrafic, les magistrats marseillais ont, mardi 5 mars, dressé un état des lieux très préoccupant de l’impact des réseaux de drogue qui gangrènent la deuxième ville de France, au point d’évoquer le terme de « narcoville ». L’explosion, en 2023, du nombre d’assassinats et de tentatives liés aux stupéfiants, avec une cinquantaine de morts et 123 blessés, illustre, selon Olivier Leurent, président du tribunal judiciaire, combien « la guerre est asymétrique entre l’Etat, en situation de vulnérabilité, et des trafiquants qui disposent d’une force de frappe considérable sur le plan des moyens financiers, humains, technologiques et même législatifs ».

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Si le narcotrafic n’est pas l’apanage de Marseille, la cité en est, aux yeux des magistrats, « l’épicentre, où il se manifeste dans son expression la plus violente et abîme jour après jour le tissu social ». Publiquement, ces acteurs discrets de la justice ont révélé ce qui se susurre dans les couloirs du palais de justice. Avec des modes de recrutement de tueurs de plus en plus jeunes, via les réseaux sociaux, les risques sur la propre sécurité des magistrats se sont accrus.

Lorsque, il y a deux ans, il questionnait les juges en première ligne contre le narcotrafic, Olivier Leurent s’entendait répondre qu’aucun risque n’était ressenti. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et, ajoute le magistrat, « à Marseille, personne n’a oublié la figure emblématique de Pierre Michel », juge d’instruction assassiné en octobre 1981 par une jeune équipe de trafiquants d’héroïne. M. Leurent en appelle donc à « un “plan Marshall” de la lutte contre le narcotrafic, à l’image de l’engagement contre les violences intrafamiliales, car il y va de notre Etat de droit et de la stabilité républicaine ».

Plaidoyer en faveur d’un « régime carcéral très dur »

Dans cette guerre, une bataille semble d’ores et déjà perdue, celle de la prison, où rentrent drogue et téléphones portables en nombre. « La détention est devenue un véritable problème car elle ne met plus fin aux activités des têtes de réseau, déplore Isabelle Fort, cheffe de la division de lutte contre le crime organisé du parquet de Marseille. Même avec dix mandats de dépôt criminel, ils continuent à commanditer des assassinats ou gèrent leurs points de deal comme s’ils étaient à l’extérieur. » Récemment, la sonorisation d’une cellule a permis l’enregistrement de l’ordre d’aller commettre un assassinat.

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