Des lettres extraordinaires

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Christian Guémy, alias C215 – créateur entre autres de nombreux timbres-poste – , est l’auteur de la couverture de Français.es tout simplement, d’Hocine Tmimi (Les éditions Arcanes 17, novembre 2023, 112 pages, 10 euros).

« Français.es tout simplement », d’Hocine Tmimi (Les éditions Arcanes 17, 2023). Couverture de C215.

Le portrait est titré Marianne, telle que je l’imagine pour la France de demain. Il est inspiré d’un portrait d’une jeune femme coiffée du bonnet phrygien réalisé au pochoir sur une carte de France (2016). Il avait fait la couverture de 101 poèmes et quelques contre le racisme aux éditions Le Temps des Cerises (2017).

Fresque de C215 à l’effigie de Marianne à l’entrée du bâtiment de la Direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris.

La Marianne inspire l’artiste depuis de nombreuses années jusqu’à aujourd’hui : « J’ai ce matin [mercredi 10 avril], à la première heure peint, sur l’invitation du directeur interrégional Stéphane Scotto, une Marianne à l’entrée du bâtiment de la Direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris. On en parlait depuis un moment, je suis content que ce soit fait », annonce ainsi Christian Guémy dans un tweet.

Inconnu à cette adresse

Il arrive que des lettres ordinaires ne puissent être acheminées faute d’adresse exacte ou illisible… Ce courrier « perdu »« deux semi-remorques quotidiens alimentent le centre en colis et courriers perdus » – est alors réexpédié au centre de tri de Libourne (Gironde) où le Service client courrier (SCC), seul habilité à ouvrir les correspondances, va tenter d’identifier le destinataire ou l’expéditeur… « C’est là aussi que chaque année parviennent les lettres d’enfants au Père Noël », précise Arlette Farge, dans Les Lettres ordinaires, livre coécrit avec Adrianna Wallis (Manuella Editions, 2023).

« Les Lettres ordinaires », d’Adrianna Wallis, avec Arlette Farge. Manuella Editions, 2023, 240 pages, 22 euros.

Parfois, ces recherches restent vaines. A partir de près de milliers de lettres datant de 2016 à 2021 destinées à « la poubelle de recyclage », l’artiste diplômée des Beaux-Arts de Barcelone Adrianna Wallis, avec l’accord de La Poste qui lui a livré des cartons de courrier, a produit des œuvres artistiques de diverses natures (photographies, cyanotypes, performances, lectures, etc.) présentées dans le livre de façon chronologique.

Les « recherches » d’Adrianna Wallis ont donné lieu à des expositions à l’Espace arts plastiques Madeleine-Lambert de Vénissieux en 2019, puis aux Archives nationales, à Paris, en 2020.

Pages intérieures de « Les Lettres ordinaires », d’Adrianna Wallis, coécrit avec Arlette Farge (Manuella Editions, 2023).

La première partie du livre se présente sous la forme d’un « journal », Adrianna Wallis analyse, commente, raconte le cheminement de sa création, le tout étant illustré de lettres et de cartes postales d’anonymes introuvables : lettres de prisonnier, « règlement de compte entre un homme et son ex-femmes »« Je me sens mal, telle une intruse, confuse » (novembre 2016) –, lettres aux adresses imaginaires, d’enfants, etc. « Il y a cette dame qui, chaque semaine, donne rendez-vous à Daniel Guichard à 15 h 30 à la Fnac » (mars 2018). « Au détour d’une conversation avec Arlette, je repense à une liste entamée au début du projet, dans laquelle j’ai relevé toutes les chansons citées dans les lettres », de Johnny Halliday, Michel Fugain, Jacques Brel, Laurent Voulzy, Jean-Claude Darnal, etc. (août 2021).

La seconde partie des Lettres ordinaires voit Arlette Farge raconter sa rencontre avec Adrianna Wallis et analyser avec son regard d’historienne cette « matière première » particulière, ce qui la replonge dans le processus de création d’un de ses livres, Il me faut te dire (Les Editions du sonneur, 2017), un recueil de lettres adressées à des personnes fictives. Elle explique que les lettres sélectionnées par Adrianna Wallis « arrivées à Libourne faute de posséder la bonne adresse », « ces récits qui n’en sont pas sont des événements, des faits d’histoire ». « Au milieu du désordre contemporain, elles emmènent vers une “certaine vérité des émotions” : fragile, tragique, presque irréelle. Se souvenir, n’est-ce pas leur répondre ? »

« Les Lettres ordinaires », d’Adrianna Wallis, avec Arlette Farge. Manuella Editions, 2023, 240 pages, 22 euros.

Lire « timbre rarissime » à la place de « tapisserie médiévale »

Il ne s’agit pas de philatélie ici, mais juste un clin d’œil à l’occasion de la parution de Comment survivre à la vie de famille, de Rafaële Rivais (Buchet-Chastel), journaliste au Monde qui contribue à la chaîne « Argent » sur Lemonde.fr et qui tient la rubrique hebdomadaire « SOS conso » dans les pages du quotidien.

« Comment survivre à la vie de famille. Mariage, divorce, enfants… Petit guide insolent et pratique pour éviter les pièges », de Rafaële Rivais. Buchet-Chastel, 288 pages, 22 euros.

Au fil des trois chapitres – « Se marier », « Faire des enfants ?  », « Divorcer » –, Rafaële Rivais enchaîne les histoires familiales édifiantes inédites, sous la forme d’un « petit guide insolent et pratique pour éviter les pièges » où il est plus question d’argent que de sentiments. Les « pièges » ? Rafaële Rivais donne l’exemple de la femme qui, pour suivre son mari muté à l’étranger, doit abandonner son activité professionnelle : « Faites-lui écrire noir sur blanc qu’il vous impose ce sacrifice, et gardez le papier précieusement ! Quand il demandera le divorce, en prétendant que vous avez choisi de ne pas travailler, ressortez-le »… Autre exemple : l’auteur incite à la discrétion si vous êtes en instance de divorce et que vous vous remettez en couple, « sinon, le juge retiendra une faute à votre encontre »…

Elle revient sur l’histoire du droit de la famille et les évolutions du code civil : majorité pour se marier, accord des parents, interdictions de mariage (même pour des majeurs), pacs, etc. le tout illustré de cas concrets les plus improbables ! « J’aime mon beau-père », « le droit d’épouser son ex-belle-sœur », « mariage à but successoral », « on ne peut avoir que deux parents, et non quatre !  », « Quand il faut payer 50 000 euros à son ex-mari paresseux et infidèle », etc.

Timbre créé par l’Agence Dragon Rouge paru en 1999.

Parmi les cas examinés, l’auteur évoque l’histoire de Mme Y qui, en mars 2011, « apprend que son mari va demander le divorce. Entre le 19 et le 22 mars, elle retire la somme de 170 000 euros de leur compte commun de placement à terme (…). Elle dépose 150 000 euros sur le compte de leur fils et 20 000 euros sur le sien, afin de solder le crédit de l’achat d’une BMW »… La fin de l’affaire se solde par une décision de « la cour d’appel de Bastia [qui] juge que Mme Y s’est rendue coupable de “fraude manifeste”, qu’elle a manqué gravement à ses devoirs et ainsi mis en péril les intérêts de la famille ».

On aurait envie, pour ce qui concerne l’objet philatélique de notre blog, de savoir ce qui se passerait si au lieu de la somme de 170 000 euros, Mme Y avait procédé à la vente d’une collection de timbres relevant du patrimoine commun !

Autre chapitre qui pourrait inciter à une transposition philatélique : « La dissolution du mariage est l’heure des comptes : l’époux qui se serait enrichi personnellement, aux dépens de la communauté, doit indemniser celle-ci ; et inversement, la communauté doit récompense à l’époux propriétaire toutes les fois qu’elle a tiré profit de biens propres »

Concernant la séparation de biens, chacun des époux « conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels »… Collection de timbres incluse ! Ce régime est « évidemment désavantageux pour celui qui ne possède pas de revenus et qui se consacre à l’éducation des enfants : il ne profite pas de l’enrichissement de son conjoint ».

Transposition encore avec « l’héritage à venir », qui « constitue “un élément patrimonial non encore réalisé au moment du prononcé du divorce” et ne doit donc pas être pris en compte pour apprécier la disparité des situations »

Transposition enfin avec « l’épouse qui, ayant reçu de son conjoint, pour leur dixième anniversaire de mariage, une tapisserie médiévale, revend ce cadeau et en tire 1,4 million d’euros aux enchères de Sotheby’s… Ni l’époux, qui décédera en cours d’instance, ni ses héritiers ne pourront obtenir restitution du produit de la vente, car la tapisserie était un “présent d’usage” »… Lire « timbre rarissime » à la place de « tapisserie médiévale » !…

« Comment survivre à la vie de famille. Mariage, divorce, enfants… Petit guide insolent et pratique pour éviter les pièges », de Rafaële Rivais. Buchet-Chastel, 288 pages, 22 euros.

« Sgan. Accusé de réception », de Virginie Singeot-Fabre (Aconitum, 2019) a été réédité en 2021 aux Editions de La Licorne.

Séance de rattrapage, enfin : il nous avait échappé au moment de sa parution, en 2019… Sgan. Accusé de réception, de Virginie Singeot-Fabre (Aconitum, 2019, réédité en 2021 aux éditions de La Licorne) raconte l’histoire de Sganarelle, ou Sgan’, jeune collégien qui reçoit un mystérieux courrier dont il va s’efforcer de percer les secrets.

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