Dans les outre-mer, le sujet miné du « réarmement démographique »

3525


A l’école Laurence-Marie-Magdeleine, à Ducos, en Martinique, en septembre 2021.

Fin 2023, lors de l’examen du budget au Parlement, le ministère de l’intérieur et des outre-mer a dû retirer une mesure destinée à inciter les Français résidant dans l’Hexagone à s’installer dans les territoires ultramarins.

D’ambition modeste, mal concerté avec les élus locaux, l’article 55 du projet de loi de finances pour 2024 visait à attirer des compétences dans des économies confrontées à une dépopulation sévère, surtout aux Antilles. Prévu pour quelque cinq cents bénéficiaires par an, il a été qualifié de texte de « recolonisation » au sein du groupe communiste de l’Assemblée. Jean-Philippe Nilor, député La France insoumise de Martinique, est allé jusqu’à dénoncer un « génocide par substitution ». Pour sortir du piège, le gouvernement a réécrit l’article 55 pour cibler les ultramarins. Les décrets d’application paraîtront en avril.

L’épisode illustre la sensibilité, en outre-mer, d’une déclinaison du « réarmement démographique » souhaité par le président Macron. Si certains départements, comme Mayotte ou la Guyane, connaissent une forte croissance qui pose d’immenses défis, ce sont les départements menacés de se dévitaliser, comme la Martinique, la Guadeloupe et, dans une moindre ampleur, La Réunion, qui appellent des mesures rapides.

Sous le thème « Refaire péyi », la chaire Outre-mer de Sciences Po a retenu la crise démographique pour sa première conférence, le 6 décembre 2023. Un mois plus tôt, une mission d’information sénatoriale alertait sur la situation de la Martinique, où les établissements scolaires ont accueilli 1 000 élèves de moins d’un coup à la rentrée de septembre. « Si on ne fait rien, dans trente ans, ce sera l’extinction de la race des Martiniquais », a déclaré, devant les étudiants de Sciences Po, la sénatrice Catherine Conconne (groupe Socialiste, écologiste et républicain).

En 2021, la Guadeloupe comptait 384 300 habitants. L’Insee estime que l’archipel tombera à 314 000 habitants dans moins de vingt ans. A La Réunion, tendance similaire bien que moins rapide : en 2030, 30 % de la population aura plus de 65 ans.

« Fuite des cerveaux »

La prise de conscience de la gravité de la situation a commencé avec la première enquête « Migrations, famille, vieillissement », lancée en 2009 par l’Insee avec l’Institut national d’études démographiques (INED). Le conseil départemental de Guadeloupe a depuis créé son propre observatoire départemental du vieillissement et du handicap. La Réunion a lancé un « salon du retour » annuel. Partout, des associations se mobilisent pour accueillir ceux qui souhaitent revenir, notamment les jeunes diplômés.

Il vous reste 60% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



Source link