Dans les Deux-Sèvres, une cohabitation entre mineurs non accompagnés et personnes âgées : « C’est comme mes grands-parents »

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« 4 et 3, 7… Au total, 23 pour Kouassi (les prénoms des mineurs ont été modifiés). Ça fait beaucoup ! », se réjouit Roseline Clochard, qui remporte, encore une fois, la partie de cartes. C’est la nonagénaire qui a appris les règles du Skyjo à son voisin de table, un jeune de 15 ans originaire de Côte d’Ivoire. Lassé de perdre, l’adolescent triche discrètement, elle le laisse faire. Depuis l’arrivée de quinze mineurs non accompagnés à la résidence pour personnes âgées Les Vignes, Roseline Clochard a enfin trouvé des partenaires de jeu « qui entendent et qui voient », plaisante-t-elle.

C’est une forme de cohabitation unique en France, qui a vu le jour dans le village de Sciecq, à côté de Niort (Deux-Sèvres). Depuis janvier, cette structure accueille aussi, dans ses appartements, un groupe de mineurs de 14 à 16 ans, venus, sans leurs parents, d’Afrique subsaharienne, d’Egypte, du Bangladesh et du Pakistan.

Une solution originale, pour empêcher la fermeture de cette « résidence autonomie ». Avec ses logements privatifs, l’établissement Les Vignes s’adresse à des personnes indépendantes – un modèle qui ne séduit plus, à l’heure où l’on maintient les personnes âgées à domicile jusqu’à ce qu’elles aient besoin d’un accompagnement médicalisé.

Sauver la résidence

« Quand on a su qu’on avait du mal à remplir cette structure à côté de Niort, on s’est tout de suite dit qu’il y avait quelque chose à faire », se souvient Béatrice Largeau, vice-présidente du conseil départemental des Deux-Sèvres (divers droite) chargée de la protection de l’enfance. Pour l’élue, la priorité est alors de « trouver des solutions pour répondre à la loi “Taquet” de 2022 », qui interdit, à partir de 2024, le placement à l’hôtel des mineurs confiés à l’aide sociale à l’enfance. Mais le département manque de places en structures éducatives, depuis qu’il est passé de 800 à plus de 1 000 enfants placés en cinq ans. Et ce, sans compter les mineurs non accompagnés – 180 jeunes environ.

Seize places vacantes dans la résidence Les Vignes, pour quinze mineurs étrangers en attente d’hébergement : la solution est toute trouvée. Dès janvier, les jeunes s’installent par deux dans les huit studios remis à neuf. Avec leur peu d’affaires, ces appartements spacieux n’ont pas encore l’étoffe de chambres d’adolescents – peu importe, aujourd’hui, ils disent tous qu’ils s’y sentent « chez eux ». Pour les accueillir, la baie vitrée de la salle commune s’est changée en trombinoscope : chacun y a collé sa photo, le visage souriant, avec son prénom et quelques dessins. A côté du drapeau bangladais, Fahim a griffonné les couleurs de la France, sous lesquelles on peut lire ces mots : « Terre d’amour ».

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