Publiée le 12 mars, la décision du National Health Service (NHS) England, l’autorité administrant les établissements publics de santé en Angleterre, d’interdire à partir du 1er avril la prescription régulière de bloqueurs de puberté à des mineurs présentant des dysphories de genre (un sentiment d’inadéquation entre leur genre et leur sexe de naissance) n’a suscité ni surprise ni grand émoi au Royaume-Uni. « Tous les jeunes trans méritent d’avoir accès à des soins de santé de haute qualité au moment où ils en ont besoin », a regretté avec une pointe de fatalisme Stonewall, une des principales associations LGBT du pays.
Il faut dire que la fermeture du Gender Identity Development Service (GIDS), l’unique département du NHS consacré à la santé des enfants et adolescents transgenres, a été décidée dès mi-2022. Dès lors, les patients et leurs familles ont redouté que l’accès aux traitements bloquant l’apparition de la puberté soit très restreint.
Il ne restera possible que pour les pubertés précoces ou dans le cadre d’essais cliniques très encadrés. A partir de 16 ans, les jeunes patients pourront cependant se voir prescrire des traitements hormonaux correctifs (pour acquérir les spécificités du genre opposé à leur sexe de naissance).
Des prescriptions jugées trop hâtives
C’est aux Pays-Bas, en 2000, qu’ont été pour la première fois prescrits les bloqueurs de puberté pour des jeunes, dès 12 ans, présentant des troubles du genre. Ces inhibiteurs d’hormones étaient initialement conçus pour traiter les cancers de la prostate et les endométrioses. Le GIDS a suivi le mouvement, d’abord à titre expérimental en 2011, puis, à partir de 2014 à une échelle inégalée en Europe. Jusqu’à 2 000 jeunes sont envoyés dans des services d’endocrinologie pour suivre un traitement à base de bloqueurs après être passés par le GIDS.
Mais en 2018, dix praticiens du GIDS confient leurs inquiétudes au docteur David Bell, un médecin de l’hôpital Tavistock, fameux centre de santé mentale pour adultes du nord de Londres hébergeant le service pour mineurs. Ces professionnels estiment que les bloqueurs sont prescrits trop hâtivement alors que le nombre de jeunes patients a augmenté exponentiellement et que leur profil a changé : il ne s’agit plus majoritairement d’enfants nés garçons, mais pour les deux tiers d’adolescentes, dont beaucoup présentent des neurodivergences. Le témoignage des praticiens, compilés par M. Bell, fuite dans la presse nationale, les critiques pleuvent.
Même si elle s’en défend, la direction du GIDS est accusée d’avoir mis en danger la santé des jeunes ou d’être tombée sous la coupe de groupes de pression protrans. Le cas de Keira Bell, née fille, passée par le GIDS et les bloqueurs de puberté avant de subir une double mastectomie puis de regretter sa transition à la vingtaine, abîme aussi la réputation du GIDS – même si sa plainte contre les pratiques du service est rejetée en appel en 2021.
Il vous reste 42.2% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.