Avec « Le Viol redéfini », la féministe américaine Catharine MacKinnon propose une réécriture de la loi française

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Catharine MacKinnon s’invite dans le débat sur les violences sexuelles en France avec la parution chez Flammarion d’un livre inédit, écrit en français à destination du public français. L’ouvrage ne fait pas œuvre de vulgarisation, il s’agit d’un traité de droit et de philosophie politique. Si la juriste et philosophe américaine intervient, c’est qu’elle juge les conditions réunies pour une évolution majeure du droit dans le sens de ses théories, après la vague #metoo, l’affaire French Bukkake et le récit de Vanessa Springora (Le Consentement, Grasset, 2020).

Tout au long du Viol redéfini. Vers l’égalité, contre le consentement, Mme MacKinnon démontre que la notion de consentement est un faux allié juridique pour les femmes, contribuant à la faillite du traitement judiciaire du viol. Dans ce crime de genre commis par des hommes cisgenres, et dont sont victimes des femmes aussi bien que des hommes, c’est avant tout l’inégalité qui est à l’œuvre, pas l’autonomie. « Définir le viol en termes de force (…) est plus opérationnel dans la pratique juridique », oppose-t-elle notamment à Catherine Le Magueresse, juriste et autrice des Pièges du consentement (Editions iXe, 2021).

On retrouve dans ce livre ce qui fait le sel du féminisme de Catharine MacKinnon depuis cinquante ans : une théorie radicale fondée sur une étude précise des sources et des faits. Méthodique, elle passe en revue la jurisprudence, principalement anglo-saxonne, faute d’un accès à la jurisprudence française. Erudite, elle multiplie les références philosophiques pour déconstruire la théorie libérale du consentement. Professorale, elle ne s’en tient pas à des arguties relatives au sexe des anges et évoque sans fard des pratiques (BDSM, « rough sex ») défendues par les tenants d’un féminisme libéral ou d’un droit à la pornographie. Se voulant une contribution pratique à l’évolution du droit et de son application, l’ouvrage se termine par des propositions concrètes de réécriture de la loi, inspirées par les avancées du droit international.

« Le Viol redéfini. Vers l’égalité, contre le consentement », de Catharine A. MacKinnon (Flammarion, 224 pages, 23 euros).

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