Aux Etats-Unis, la liberté académique assiégée

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Un étudiant de l’université de Floride du Sud, lors d’une manifestation sur le campus pour réclamer une augmentation du nombre d’étudiants noirs, le 2 juillet 2020 à Tampa, en Floride.

Aux Etats-Unis, la liberté académique est une des cibles de la polarisation politique. « Assiégée », estime l’association de défense de la liberté d’expression Pen America. Dans un rapport publié fin 2023, l’organisation a recensé plus de 300 projets de loi déposés depuis janvier 2021 dans 44 Etats, visant à limiter les discussions, dans les lycées et sur les campus, sur des sujets tels que racisme, genre et identité LGBTQ. « Une menace directe à la culture de curiosité qui fait des établissements d’enseignement supérieur un pilier de notre démocratie », déplore Pen America, qui qualifie ces mesures de « bâillons » académiques.

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Les sujets visés sont ceux qui alimentent la « guerre culturelle » que se livrent démocrates et républicains depuis des décennies sur les questions de société. Après avoir perdu leur offensive contre le mariage gay – légalisé par la Cour suprême en 2015 – et gagné celle contre l’affirmative action (la discrimination positive dans les universités) – grâce à la décision de la Haute Cour en juin 2023 –, les conservateurs ont trouvé de nouvelles cibles : les droits des personnes transgenres, la reconnaissance des minorités et la Critical Race Theory (« théorie critique de la race »), une approche universitaire qui date des années 1970 et décrit le caractère systémique des discriminations aux Etats-Unis.

L’offensive actuelle des conservateurs remonte à 2020 et l’émergence du mouvement Black Lives Matter, après la mort de George Floyd, le 25 mai, étouffé par un policier blanc à Minneapolis. Portée dans tous les milieux, académiques, institutionnels, mais aussi dans les entreprises, la revendication de prise en compte des minorités a engendré un retour de bâton qui continue à traverser la société américaine. La Maison Blanche en a donné le signal le 22 septembre 2020 lorsque Donald Trump, à moins de deux mois de l’élection présidentielle, a signé le décret « Combattre les stéréotypes de race et de sexe » qui interdit l’enseignement de « concepts de nature à diviser » dans les institutions publiques, de l’armée aux universités.

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Principale visée : la notion de diversité, égalité, inclusion (DEI). Selon l’association Scholars at Risk, plus de 70 projets de loi ont été déposés depuis début 2023 par les élus républicains dans les Assemblées de 26 Etats visant les programmes de DEI mis en place dans les universités d’enseignement public pour faciliter l’intégration des minorités. Huit d’entre eux ont été inscrits dans la loi. La plupart des textes sont fournis clés en main par deux instituts conservateurs : le libertarien Goldwater Institute, de Phoenix (Arizona) et le Manhattan Institute (New York). Certains sont des copies de la loi de 2022 en Floride dite « Stop Woke Act », qui a servi de tremplin aux ambitions présidentielles du gouverneur républicain Ron DeSantis.

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