« A l’oppidum de Corent, on a mis au jour le fonctionnement politique d’une capitale gauloise »

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Matthieu Poux est professeur d’archéologie romaine et gallo-romaine à l’université Lumière-Lyon-II. Il effectue des fouilles depuis une vingtaine d’années à Corent (Puy-de-Dôme). Dans une vaste monographie parue à la fin de 2023 (L’Oppidum fortifié de Corent, Ed. Mergoil), qu’il a codirigée avec Thomas Cerisay, il montre que Corent était un site majeur de la fin de l’époque gauloise.

Pour commencer, pouvez-vous présenter le site de Corent ?

Il se situe à une quinzaine de kilomètres au sud-est de Clermont-Ferrand. C’est un plateau volcanique d’environ 70 hectares, qui surplombe l’Allier. On y trouve des vestiges qui vont du néolithique moyen – quatre millénaires av. J.-C. – jusqu’à l’époque romaine, mais c’est une occupation en dents de scie. Ce qui est étonnant, c’est qu’on a, à Corent, cinq agglomérations superposées : au néolithique moyen, à l’âge du bronze, au premier âge du fer (entre 800 et 500 av. J.-C.), ensuite à la fin de l’époque gauloise – la grande période des Arvernes et de Vercingétorix, aux IIe et Ier siècles av. J.-C. –, enfin, à l’époque romaine, aux Ier et IIe siècles apr. J.-C. Ensuite, le site est abandonné et il ne sera jamais réoccupé.

Comment l’exploration de ce site s’est-elle faite ?

Les villes gauloises, on les a souvent appréhendées depuis l’extérieur, on s’est beaucoup concentré depuis le XIXe siècle sur ce qu’il y a de plus spectaculaire, à savoir les remparts. Mais les fortifications n’étaient pas prioritaires pour moi : j’ai fait ma thèse sur les banquets gaulois, sur la consommation du vin en Gaule. Mon objectif de départ était de fouiller un sanctuaire qui avait été identifié au centre du plateau de Corent, et dans lequel on trouvait beaucoup d’amphores à vin. Je l’ai exploré avec mes étudiants, entre 2001 et 2005, puis je me suis intéressé à ce qu’il y avait autour, à un centre-ville qu’on a rapidement retrouvé, et où on a travaillé entre 2005 et 2018. C’était la première fois qu’on fouillait un centre-ville gaulois de façon extensive, sur plusieurs hectares.

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A quoi ce sanctuaire et ce centre-ville ressemblaient-ils ?

Le sanctuaire est un grand monument en terre et en bois, d’à peu près 50 mètres de côté, très influencé par l’architecture gréco-romaine puisqu’il est entouré de grandes galeries à colonnades. Très tôt, il s’est vérifié que ce n’était pas seulement un lieu de culte, mais aussi un lieu important d’activité politique, institutionnelle, civique. Le principal apport de ces vingt années de fouilles, en une phrase, c’est d’avoir mis en évidence l’architecture d’un centre-ville gaulois, mais surtout le fonctionnement politique d’une capitale gauloise. Dans le quartier environnant, on est tombé sur d’autres monuments : une grand-place de marché où sont réunis différents artisanats et commerces, et un théâtre en bois qui est le plus ancien en France. Il date de la fin du IIe siècle av. J.-C.

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