« Le conseil régional n’avait pas à supporter les frais de loyer d’une villa avec piscine dans un quartier prisé au bénéfice exclusif de M. Robert et de sa famille. » Face au tribunal correctionnel de Saint-Denis de la Réunion, où il est poursuivi, vendredi 11 octobre, pour « concussion » et « prise illégale d’intérêts », Didier Robert, président de la collectivité entre 2010 et 2021, encaisse impassible les réquisitions de la procureure, Véronique Denizot : huit mois de prison avec sursis, 100 000 euros d’amende, et cinq ans d’inéligibilité.
L’ancien élu divers droite est jugé pour avoir perçu, par le biais d’une délibération qu’il avait lui-même signée, une indemnité de séjour de 90 euros par jour, entre janvier 2016 et février 2020. Soit 134 280 euros. Un dispositif « parfaitement légal et encadré par les textes », s’est défendu l’ancien élu, qui a renoncé à la politique après avoir été condamné, en mai 2021, à quinze mois de prison avec sursis et trois ans d’inéligibilité pour des rémunérations litigieuses dans la société publique locale Réunion des musées régionaux.
« J’ai du mal à comprendre qu’on puisse me faire grief d’avoir bénéficié d’un droit attaché à ma fonction », s’irrite à la barre M. Robert. S’il a signé un bail pour cette belle villa située sur les hauteurs de Saint-Denis, c’est « pour pouvoir exercer [s]es missions de président de région ». Sa résidence personnelle se trouvait à l’époque à une quarantaine de kilomètres, dans l’ouest de l’île.
« Vivre décemment »
Lancée à la suite d’un signalement de la chambre régionale des comptes, l’enquête a, en outre, relevé que le loyer de la villa dionysienne de Didier Robert se montait à 2 300 euros alors que l’indemnité mensuelle variait entre 2 700 ou 2 790 euros. Selon l’ancien élu, l’indemnité ne couvrait pas uniquement le loyer, mais également d’autres dépenses au titre de ses « frais d’hébergement » : femme de ménage, notamment pour « repasser [s]es chemises afin d’être présentable », abonnement à l’eau, à l’électricité, à Internet, taxes diverses, entretien de la piscine. Des dépenses pour « vivre décemment », affirme-t-il, à la hauteur de ses fonctions de président de région, en faisant un lien avec les conditions de vie du préfet de la Réunion, qui dispose d’un logement de fonction et d’employés de maison.
Pour la procureure, Véronique Denizot, l’ancien président a entretenu une « confusion de mauvaise foi » entre indemnité de séjour, indemnité de résidence ou encore logement de fonction ou résidence personnelle. Dans cette affaire, la magistrate peut aussi adosser ses poursuites sur un arrêt de la Cour des comptes de juillet 2023, qui a sanctionné le payeur régional de la collectivité pour avoir « manqué à ses obligations de contrôle », en lui reprochant des versements sans qu’aucun texte ni aucune décision n’en ait fixé le taux applicable.
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