Avec 25 millions de visiteurs en 2023, Anaheim est une destination touristique phare aux Etats-Unis. Le parc d’attractions Disneyland y est pour beaucoup, l’Anaheim Convention Center fait le reste. Le paysage urbain de cette ville californienne est ainsi amplement dominé par des hôtels de luxe. Moins connus sont les quartiers populaires, à très grande majorité latino, qui réunissent pourtant plus de la moitié des habitants.
Le photographe William Camargo, 35 ans, est né et a grandi dans ces quartiers, largement invisibilisés, parfois même cachés derrière de hauts murs de briques. Etudiant, il prenait part aux manifestations dénonçant les violences policières, l’activité des gangs, la domination de la ville par des intérêts commerciaux et le manque de représentation politique des résidents d’origine hispanique dans le gouvernement local. Et ce, au grand désespoir de ses parents, alors sans papiers.
Son travail photographique « Origins and Displacements », commencé pendant la crise sanitaire du Covid et poursuivi jusqu’à aujourd’hui, s’intéresse à ces contrastes. Entre enquête et documentation du quotidien, cette série s’appuie sur les archives de la ville et de la presse locale pour retracer une histoire plus ou moins récente, qui résonne avec la réalité actuelle. Le photographe commence dans les années 1920, quand le Ku Klux Klan, alors au sommet de son influence et de sa popularité, décide de faire d’Anaheim une « ville Klan » modèle. Il fait un détour par 1994, quand la Californie vote une loi limitant l’accès des immigrants sans papiers aux services publics de l’Etat, notamment à l’éducation publique et aux soins de santé. Il revient aussi sur le passé récent de la ville marqué par des enjeux liés à la gentrification, au racisme systémique et à la brutalité policière.
Surtout, il redonne une visibilité à sa communauté, grande absente des archives et toujours marginalisée malgré son poids de plus en plus important dans le corps électoral. Cette année, le vote hispanique représente 15 % des votants. « Ce comté, surnommé le Nixon County puis le Reagan County, a toujours été républicain et est finalement devenu plus démocrate avec l’afflux de migrants et la nouvelle génération », explique William Camargo.
En raison de la proximité avec la frontière mexicaine, la question migratoire est au cœur des préoccupations locales. « Il y a de nombreuses familles mixtes ici, dont beaucoup n’ont pas de papiers. Donald Trump souhaite renvoyer les migrants sans-papiers, ceux-là mêmes qui à Anaheim construisent les hôtels et immeubles de luxe qui stimulent l’économie locale », ajoute-t-il.
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