C’est un deuil à accepter. La campagne présidentielle américaine accélère l’effacement des grands médias traditionnels, chaînes de télévision ou presse écrite. Un processus déjà visible depuis des années, mais qui a pris un aspect inédit ces derniers mois. Ces médias continuent à jouer leur rôle. Ils enquêtent, déploient leurs effectifs considérables sur le terrain, suivent les candidats à la trace, font la chronique des petites phrases et des grands moments. Mais l’évolution du paysage informationnel coïncide avec un contexte politique incomparable.
L’évolution est connue : on s’informe en silo. Dans une société puissamment polarisée, on préfère écouter des avis conformes aux siens, par cercles de connivence identitaire, idéologique, politique, religieuse, etc. La présence de Kamala Harris, attendue sur l’antenne de Fox News le 16 octobre, ressemble à une transgression exceptionnelle. L’Amérique a basculé dans une ère de fragmentation, où règnent en maître des podcasts très puissants, menés par des animateurs fiers de ne pas être journalistes. Ce sont les nouvelles voix mainstream.
Le contexte politique, lui, est très particulier. Les deux candidats ont un problème avec la contradiction. C’est particulièrement flagrant chez Donald Trump, qui ne raisonne qu’en termes de loyauté ou d’hostilité. A 78 ans, les interrogations sur son état cognitif s’accumulent. Kamala Harris, entrée tardivement dans la course, ne brille pas dans l’exercice de l’interview classique, lors de laquelle elle perd son naturel. Elle a aussi en mémoire la campagne de Hillary Clinton, en 2016, d’un classicisme désespérant. Comme lors des élections de mi-mandat, il y a deux ans, on est donc en présence de campagnes parallèles, sans conversation nationale. L’absence de second débat télévisé peu avant le scrutin signifie que chacun tente de séduire les électeurs segment après segment.
Limiter les imprévus et les situations inconfortables
La presse accréditée à la Maison Blanche ressent une frustration de longue date. L’entourage de Joe Biden avait mis le président sous cloche, pour limiter les interactions avec les journalistes et éviter les questions sur la dégradation de ses capacités cognitives et physiques. Kamala Harris aussi essaie de limiter les imprévus et les situations inconfortables. Aucun entretien substantiel n’est accordé à la presse écrite quotidienne, ni à l’hebdomadaire Time, qui a pourtant fait sa une traditionnelle sur la présidente que serait la démocrate. Donald Trump, lui, avait répondu à cette sollicitation. Pour Kamala Harris, cette campagne express n’est pas un entretien de compétences devant experts – il révélerait une continuité avec l’ère Biden et son pragmatisme –, mais un examen de personnalité face au grand public.
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