Le président ukrainien n’aurait, affirment ses amis, pas tant changé. Pourtant son visage s’est durci, ses mots sont plus tranchants, ses décisions sans appel. Volodymyr Zelensky vit, après deux années de conflit, un moment délicat. Le destin du plus jeune président de l’histoire de l’Ukraine, qui vient de célébrer son 46e anniversaire, est totalement lié à celui de l’Ukraine en guerre.
Les deux premières métamorphoses de M. Zelensky sont connues. La première, lorsqu’il est élu en 2019, transforme un humoriste, comédien, réalisateur et producteur de télévision en président. La seconde, lorsque Moscou ordonne l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, est celle d’un président « de paix » – ou du moins d’une paix désirée et hypothétique, un conflit armé ravageant depuis huit ans le Donbass – en président « de guerre ».
Se sachant personnellement visé par l’armée russe, il décide de ne pas quitter Kiev et de résister. Il devient un héros national. Puis, en deux ans, le chef d’Etat diplomate et communicant s’est peu à peu mué en véritable chef de guerre.
Un remaniement de l’état-major
Quand l’armée russe attaque la capitale ukrainienne, avec pour objectif défini par Vladimir Poutine, de conquérir le pays, de prendre le contrôle du pouvoir et des forces armées (ce que le chef du Kremlin appelle « dénazifier » et « démilitariser »), Volodymyr Zelensky n’a pas de mots assez forts pour affirmer qu’il ne se mêle pas des affaires militaires et dire à quel point il a confiance en ses généraux dans la défense du pays. La Russie est alors tenue en échec. Deux ans plus tard, le président ukrainien décide des nominations à l’état-major et supervise les plans de bataille.
Sa décision peut-être la plus risquée a été d’ordonner, le 8 février, le remplacement au poste de commandant des armées du général Valeri Zaloujny, l’homme le plus populaire du pays, par le général Oleksandr Syrsky, un militaire auréolé de victoires mais peu connu de la population et controversé au sein de l’armée pour son acharnement à défendre coûte que coûte Bakhmout, finalement perdue en mai 2023. Militairement, le remaniement de l’état-major ne change a priori rien, les deux officiers partageant la même vision. Politiquement en revanche, en se séparant de l’icône militaire de la résistance, M. Zelensky se place lui-même en première ligne et devra dorénavant répondre devant les Ukrainiens de la stratégie militaire.
Autre illustration de sa transformation : les voyages présidentiels sur les lignes de front sont de plus en plus fréquents. M. Zelensky a certes toujours fait preuve d’un indéniable courage physique, dans les rues de la capitale bombardée durant la bataille de Kiev, puis sur le front et dans les villes libérées, telles qu’Izioum et Kherson, en 2022. Mais, alors que le conflit est devenu une guerre de positions, l’armée russe ne parvenant à conquérir que Bakhmout et Avdiïvka en un an et demi, et Kiev échouant dans sa contre-offensive estivale de 2023, ces déplacements donnent des sueurs froides à ses services de sécurité. Lui veut afficher sa solidarité avec les soldats en ces temps difficiles, et préserver l’unité entre la nation et l’armée.
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