Sous Narendra Modi, une Inde de plus en plus inégalitaire

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Rajni, qui n’a pas souhaité donner son nom, 45 ans, travaille dans le sud de New Delhi, la partie huppée de la capitale indienne, comme maid (« employée de maison ») dans un quartier résidentiel baptisé Defence Colony, une ancienne enclave militaire. Tout proche du Delhi colonial, avec ses parcs magnifiques, ses grandes allées arborées, ses pavillons blancs et ses monuments hérités des empereurs moghols et des Britanniques.

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Les grosses cylindrées garées au pied des immeubles ou des maisons cossues laissent peu de doute sur le niveau de richesse des habitants, ancien haut gradé de l’armée à la retraite, entrepreneurs, responsables de médias, rentiers, universitaires, expatriés, etc. La location d’un spacieux trois-pièces dans un immeuble récent commence souvent à 2 000 euros, dans cet îlot verdoyant, paré d’arbres et de petits parcs.

Les enfants fréquentent les meilleures écoles privées, accompagnés par le chauffeur privé de la famille, le personnel est nombreux dans les maisonnées, homme ou femme de ménage, cuisinier, nourrice, garde, jardinier, chauffeur, parfois logés dans des chambres sous le toit ou dans les sous-sols de l’immeuble. En ce mois de mai caniculaire, Defence Colony s’est vidé, les familles aisées se sont déplacées dans l’Himalaya, où elles possèdent souvent une résidence secondaire.

Deux mondes aux antipodes

Rajni, originaire de l’Uttarakhand, ne prend jamais de vacances, en dehors des grandes fêtes religieuses hindoues. Elle habite à trente minutes en bus, à Khanpur, dans un quartier populaire avec ses quatre derniers fils, qu’elle élève seule. L’aîné est maintenant autonome. Elle loue trois petites pièces pour près de 10 000 roupies (110 euros) par mois, qui ampute une grande partie de son salaire, 25 000 roupies pour deux jobs dans des familles, où elle fait le ménage et la cuisine. Un fils a commencé à travailler dans un centre d’appels et apporte un complément de revenus. La famille est éligible à l’aide alimentaire du gouvernement.

Le quartier de Defence Colony abrite aussi, derrière ses palissades de chantier, une armée de travailleurs journaliers, payés au jour le jour pour construire les nouveaux immeubles luxueux, plus rentables que les anciennes maisons familiales. Ils vivent sur les chantiers ou en lisière de Defence Colony, à Kotla, dans un quartier village grouillant, avec des rues non asphaltées, dans des chambres partagées. Ils se nourrissent dans les restaurants de rue pour quelques roupies et envoient les économies au village, où la famille est restée. Les plus précaires vivent dans un bidonville, qui borde Kotla.

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