sous la menace d’une destitution, le président Lasso dissout le Parlement

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Le président équatorien Guillermo Lasso, visé par un procès en destitution qui s’est ouvert mardi 16 mai devant le Parlement, où la gauche est majoritaire, a décidé mercredi de « dissoudre l’Assemblée nationale en raison de la grave crise politique et des troubles intérieurs », selon un communiqué diffusé par ses services.

Impopulaire, le chef de l’Etat conservateur est accusé par l’opposition de malversations dans le cadre d’un contrat public portant sur le transport de pétrole brut. Il lui est reproché d’avoir eu connaissance de ce contrat préjudiciable à l’Equateur et de ne pas être intervenu pour y mettre un terme dès la prise de ses fonctions, en mai 2021. M. Lasso, un ancien banquier de 67 ans, n’est cependant pas poursuivi par la justice dans le cadre de cette affaire. A l’ouverture de son procès en destitution, il a plaidé face aux députés sa « totale, évidente et incontestable innocence ».

Dans la foulée de l’annonce de la dissolution du Parlement, M. Lasso a demandé au Conseil national électoral de convoquer des élections législatives et présidentielle anticipées, ainsi que le prévoit la Constitution. « C’est une décision démocratique non seulement parce qu’elle est constitutionnelle mais aussi parce qu’elle rend au peuple équatorien la possibilité de décider », a affirmé Guillermo Lasso sur la chaîne de télévision nationale. C’est la première fois qu’un chef de l’Etat équatorien a recours à ce droit de dissolution, qui ne peut être utilisé qu’à une reprise au cours des trois premières années de son mandat.

« Le dernier clou planté dans son propre cercueil politique »

L’ancien président Rafael Correa (2007-2017), qui dirige l’opposition malgré sa condamnation à huit ans de prison par contumace pour corruption et vit en exil en Belgique, a qualifié la décision de M. Lasso d’« illégale » et de « coup d’Etat », estimant que c’était aussi « le dernier clou planté dans son propre cercueil politique ».

Les Etats-Unis, par la voix du porte-parole adjoint au département d’Etat Vedant Patel, ont exhorté « les institutions gouvernementales et la société et les citoyens à veiller à ce que les processus démocratiques soient menés à bien pour le peuple équatorien ».

Le bâtiment du Parlement était gardé par des militaires et des policiers, tandis qu’autour du palais présidentiel, dans le centre historique de la capitale, Quito, les hommes en uniforme étaient plus nombreux qu’habituellement, a constaté l’Agence France-Presse (AFP). L’armée et la police ont averti que la Constitution devait « être pleinement respectée par tous les citoyens ». En outre, une alliance d’organisations de gauche a appelé à défendre dans la rue « les droits et les libertés ».

« Un lâche auto-coup d’Etat »

Cette dissolution pourrait cependant profiter à l’opposition. « La mouvance de droite est affaiblie par un gouvernement qui a moins de 15 % de crédibilité », a expliqué le politologue Santiago Cahuasqui, de l’université privée SEK. « Les mouvances du centre et de la gauche pourraient avoir plus de possibilités et de perspectives », a-t-il poursuivi. Même si la gauche n’obtient pas la présidence, « une chose est certaine : ses députés, qui sont actuellement 49 sur 137, gagneront plus de sièges », avait assuré mardi le constitutionnaliste Rafael Oyarte, évoquant la possibilité que M. Lasso dissolve le Parlement.

En juin 2022, des députés avaient déjà essayé de destituer M. Lasso au moment de violentes manifestations indigènes contre la hausse du coût de la vie, mais il leur avait manqué 12 voix pour aboutir. « N’ayant pas les votes nécessaires pour se sauver d’une destitution imminente, Lasso réalise un lâche auto-coup d’Etat avec l’aide de la police et des forces armées, sans le soutien des citoyens », a réagi sur Twitter Leonidas Iza, le chef de la puissante organisation indigène Conaie.

L’Equateur, qui a connu une grande instabilité politique entre 1997 et 2005, une période au cours de laquelle trois présidents ont été renversés par des révoltes populaires, est en outre confronté depuis des mois à une vague de violences due à une lutte de pouvoir entre gangs impliqués dans le trafic de drogue.

Le Monde avec AFP

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