Plus les jours passent et plus le parallèle entre la réaction des Etats-Unis après le 11-Septembre et celle d’Israël après le 7 octobre 2023 se vérifie. Après l’emploi de la force jusqu’à la déraison, qui s’est traduit à Gaza par un effroyable bilan humain, vient le temps du désordre, faute d’avoir anticipé « le jour d’avant le jour d’après » : c’est-à-dire la transition vers un objectif politique.
En Irak et en Afghanistan, les Etats-Unis avaient au moins le mérite d’avoir un projet : celui d’imposer la démocratie par le haut, même s’il s’est fracassé en un temps record contre une réalité autrement complexe que celle envisagée par les stratèges en chambre néoconservateurs. A Gaza, un territoire qu’il est censé connaître un minimum, Israël fait désormais l’étalage de son incurie, au point de faire chanceler le cabinet de guerre mis sur pied après le plus grand massacre de civils et la plus grande prise d’otages de l’histoire de l’Etat hébreu.
En témoignent les combats que l’armée israélienne est contrainte de devoir livrer depuis plusieurs semaines dans le nord du territoire, là où précisément elle s’était concentrée dans les premiers mois de son offensive dévastatrice. Cette guérilla persistante, qui constitue un retour aux sources – le Hamas étant né sous occupation israélienne –, relativise singulièrement l’argument du gouvernement israélien selon lequel une opération militaire d’ampleur à Rafah, dernière ville à avoir échappé à son rouleau compresseur, permettrait une « victoire totale » contre la milice islamique.
Ce serait sans doute le cas si un impératif du Hamas était de préserver sa mainmise sur Gaza, pas seulement sécuritaire, mais également administrative. La décision du 7 octobre 2023, le jusqu’au-boutisme de l’aile militaire, son usage de la population et des infrastructures hospitalières ou éducatives comme des boucliers disent qu’il n’en est rien.
Penser le « jour d’après »
La « somalisation » d’une bande de Gaza livrée au chaos et à une violence permanente peut encore être évitée à condition de partir d’un constat : si Israël est incapable de proposer une transition, c’est parce que l’Etat hébreu est catégoriquement opposé à imaginer un « jour d’après » doté d’une perspective politique. Et que ce « jour d’après » doit se limiter à des négociations interminables au sujet des volumes d’aide humanitaire autorisés à accéder à Gaza, ou à l’usage du moindre sac de ciment dans la tâche sisyphéenne de sa reconstruction.
Tout devrait pourtant être mis en œuvre pour éviter de retomber dans l’ornière creusée depuis les dernières négociations de paix, il y a plus de dix ans, dont on a vu ce qu’elle a apporté aux Israéliens comme aux Palestiniens.
Il vous reste 54% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.