Quinze ans après la chute de Lehman Brothers, la finance mondiale n’a pas renoncé aux excès

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Greg Becker, ex-PDG de la Silicon Valley Bank, devant la commission sénatoriale des banques, du logement et des affaires urbaines du Congrès des Etats-Unis, pour une audience sur les faillites de la Silicon Valley Bank et de Signature Bank, à Washington, le 16 mai 2023.

Sa faillite eut de telles répercussions que, depuis, son nom est le baromètre mesurant la gravité des crises financières. Le 15 septembre 2008, la chute de la banque américaine Lehman Brothers plongea l’économie mondiale dans une tourmente sans précédent depuis la dépression de 1929. La réaction en chaîne qu’elle déclencha mit en lumière la fragilité de banques européennes et les failles de la régulation financière.

Quinze ans après, ces failles ont-elles été comblées ? « En partie : le système bancaire est plus robuste qu’à l’époque, mais il reste beaucoup à faire », résume Nicolas Véron, spécialiste du sujet à l’Institut Peterson, un think tank indépendant de Washington. « Oui, il est plus solide, mais sans le secours des banques centrales et de l’argent public, il serait incapable de résister à une nouvelle crise majeure », ajoute Thierry Philipponnat, économiste en chef de Finance Watch, une ONG cherchant à faire contrepoids à l’industrie financière.

Après la tempête de 2008, de nouvelles règles bancaires, dites de « Bâle III », ont été adoptées sous l’égide du Comité de Bâle, qui rassemble les grands superviseurs de la planète. Ces règles exigent un niveau et une qualité des fonds propres (ou capitaux propres) plus élevés aux banques, ainsi qu’une gestion renforcée de leurs liquidités. Le tout, pour qu’elles soient plus solides et capables d’essuyer d’éventuelles pertes.

« L’union bancaire n’est pas encore achevée »

Pour éviter les dérives nationales – et notamment la complaisance des gendarmes financiers locaux avec les banques sous leur contrôle –, la zone euro a, elle, bâti « l’union bancaire » en 2014. Celle-ci a doté les pays membres d’un superviseur et d’un mécanisme de résolution uniques, censés muscler la surveillance et permettre une meilleure prise en charge des banques défaillantes. Cela, afin d’éviter de piocher dans l’argent des contribuables pour leur venir en aide.

« L’Europe a renforcé son attelage, mais l’union bancaire n’est pas encore achevée », rappelle néanmoins Jézabel Couppey-Soubeyran, économiste à l’Université Paris-I-Panthéon-Sorbonne. De fait, il lui manque encore un système mutualisé de garantie des dépôts, qui éviterait qu’en cas de grave crise dans un Etat ses citoyens ne doutent de la garantie fournie par celui-ci.

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Voilà pour les grands principes. Mais, dans les méandres des détails techniques, certaines régulations ont été allégées au fil des ans sous l’influence des lobbys bancaires nationaux. « En Europe, les règles de Bâle III sont appliquées de façon édulcorée, et leur calendrier d’entrée en application court jusqu’à 2030 », regrette M. Philipponnat. Aux Etats-Unis, après son élection, en 2016, Donald Trump a détricoté une partie de la réglementation financière renforcée par son prédécesseur, Barack Obama – les banques de petite et moyenne taille en furent en partie exemptées.

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