Que va changer le nouveau calcul du DPE des petits logements ?

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Le gouvernement a mis en ligne mardi 20 février une consultation publique concernant le changement de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les petites surfaces. Il y a quelques jours, dans Le Parisien, le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, avait exprimé sa volonté de faire sortir 140 000 logements de la catégorie des passoires énergétiques (étiquetés F ou G), estimant que « les seuils du DPE étaient biaisés en défaveur des petites surfaces ». Selon le ministre, « plus de 27 % des très petits biens », de moins de 40 mètres carrés, entrent actuellement dans la catégorie des passoires thermiques.

Mais le projet d’arrêté, qui devrait entrer en vigueur cet été, suscite le doute des fédérations de représentants de locataires comme de propriétaires.

A quoi sert le diagnostic de performance énergétique ?

Depuis 2006, le DPE permet de classer les logements en fonction de leur consommation énergétique, de A (extrêmement performant) à G (passoire thermique). Ces étiquettes n’avaient initialement qu’une valeur informative. Tout change en 2021 avec la loi climat et résilience : le DPE devient « opposable » et prend donc une valeur juridique. En cas d’erreur dans le diagnostic, l’acheteur ou le locataire peut se retourner contre le diagnostiqueur et contre le vendeur ou le bailleur du logement, qui peut lui aussi demander des comptes au réalisateur du diagnostic.

Depuis 2023, le DPE est un outil central dans la politique de rénovation énergétique, qui répond à un double objectif : lutter contre le réchauffement climatique et réduire la précarité énergétique. En France, le secteur du bâtiment génère 23 % des émissions de gaz à effet de serre et représente 43 % de la consommation d’énergie du pays.

Un calendrier progressif prévoit d’interdire à la location les logements les plus énergivores. Ces interdictions ne s’appliqueront qu’à la fin des baux, les locataires ne seront pas poussés dehors, mais à leur départ le logement ne pourra pas être remis à la location sans travaux de rénovation énergétique.

Les loyers des logements étiquetés F ou G ne peuvent déjà plus être augmentés depuis août 2022.

Selon les estimations du ministère de la transition écologique au 1er janvier 2023, sur les 30 millions de résidences principales, le nombre de passoires énergétiques (F et G) était estimé à près de 4,8 millions de logements, soit 15,7 % des logements, et même 21,7 % en Ile-de-France. Sans rénovation, près d’un logement sur deux ne pourrait plus être loué d’ici à 2034 en Ile-de-France (47,5 % d’étiquette E à G contre 35,3 % sur tout le territoire).

Ce calendrier, couplé à l’état actuel du parc immobilier, fait craindre un emballement de la crise du logement. La Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) alerte depuis 2022 sur un « risque d’hémorragie du parc locatif privé », alors que d’autres acteurs de la rénovation énergétique réclament davantage d’incitation envers les propriétaires bailleurs.

Comment est actuellement calculé le DPE ?

Depuis 2021, les diagnostiqueurs réalisent les DPE à partir d’une méthode unique, le calcul de la consommation conventionnelle des logements, ou 3CL, qui se fonde sur deux critères :

  • la consommation d’énergie annuelle du logement (chauffage, eau chaude sanitaire) sur la base d’une hypothèse d’occupation du logement seize heures par jour durant la semaine, avec trois semaines d’absence par an ;
  • l’observation de plusieurs caractéristiques comme la superficie, l’isolation des murs, du plafond et du plancher, l’épaisseur du vitrage, ou les systèmes de chauffage et d’eau chaude.

A l’issue du diagnostic, valable pour une durée de dix ans, une lettre allant de A à G est attribuée au logement et détermine sa performance énergétique.

Cependant, des doutes subsistent quant à la fiabilité de cette méthode 3CL qui a remplacé la précédente, basée sur les factures d’énergies des trois années précédentes. D’après une enquête de l’UFC-Que choisir de 2022, il peut y avoir « jusqu’à trois classes d’écart pour un même bien », selon le diagnostiqueur employé.

Pour Jean-Christophe Protais, le président de Sidiane, un syndicat interprofessionnel du diagnostic immobilier, « la fiabilité d’un DPE est liée à deux choses : aux données sur le logement mises à disposition du diagnostiqueur, comme l’année de la construction du bien et les dates des travaux d’isolation, et à la formation de ces professionnels ». Un arrêté de juillet 2023 devrait améliorer l’apprentissage du métier et uniformiser les pratiques.

Le président de la Confédération nationale du logement (CNL), Eddie Jacquemart, regrette que les diagnostiqueurs immobiliers soient choisis par les propriétaires eux-mêmes pour réaliser les DPE. « La profession n’est pas assez réglementée, estime-t-il. L’attribution des diagnostiqueurs aux propriétaires devrait être aléatoire. »

Qu’est ce qui va changer avec le projet d’arrêté ?

Christophe Béchu souhaite corriger « un biais de calcul » dans le DPE. Selon une étude de l’Observatoire national de la rénovation énergétique publiée en 2022, « près de 34 % des logements de moins de 30 mètres carrés ont une étiquette F ou G, contre seulement 13 % des logements de plus de 100 mètres carrés. » Proportionnellement, les petits logements seraient, selon ce rapport, amenés à consommer plus de chauffage que les grands puisqu’ils ont plus de parois déperditives (murs, sols ou toiture) par rapport à leur surface habitable. La consommation d’eau chaude, rapportée au nombre de mètres carrés du logement, est aussi supérieure dans un petit bien immobilier plus densément occupé.

Le Monde

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La méthode 3CL ne sera pas modifiée. Seuls les coefficients de pondérations et l’indice de compacité thermique des logements inférieurs à 40 mètres carrés seront modifiés après l’entrée en vigueur de l’arrêté, prévue le 1er juillet 2024.

Actuellement, un bien immobilier est classé dans la catégorie G si sa consommation d’énergie est supérieure à 420 kilowattheures par mètre carré par an et si ses émissions de gaz à effet de serre dépassent 100 kilogrammes équivalents de CO2 par mètre carré par an. Avec la réforme, les petites surfaces seront autorisées à dépasser ces exigences puisque ces seuils seront revus à la hausse.

Les propriétaires ayant réalisé un DPE récemment pourront demander une réévaluation de l’étiquette de leur logement, sans refaire le diagnostic, en appliquant les coefficients pondérateurs pour les petites surfaces et peut-être obtenir une meilleure note.

Selon le ministère de la transition écologique, près de 140 000 logements se verront attribuer une nouvelle étiquette dès le 1er juillet et pourront sortir des catégories F et G, celle des passoires thermiques.

Comment sont accueillies ces nouvelles mesures ?

Même s’il soupçonne le ministère de gonfler son estimation, Loïc Cantin, le président de la Fnaim, qui réclamait depuis longtemps des ajustements plus égalitaires « entre les petites et les grandes surfaces », accueille volontiers la nouvelle mesure. « L’approche du 1er janvier 2025 – et l’interdiction à la location des logements classés G – est une source d’inquiétude pour le marché, insiste M. Cantin. On sent qu’il y a des ajustements de la part du gouvernement, un peu plus de considération et de prise en compte des conséquences que peut avoir un mauvais classement de DPE sur le marché. »

Isabelle Gasquet, responsable de projet « efficacité énergétique » de l’association CLER-Réseau pour la transition énergétique, regrette en revanche le silence du gouvernement sur les 3,4 millions de ménages en situation de précarité énergétique : « Ce n’est pas parce qu’un logement va soudainement passer de G à E, sans travaux, qu’il va devenir meilleur pour le locataire : sa facture d’énergie va rester élevée et il sera de nouveau possible d’augmenter son loyer. »

Au moment où Bercy a annoncé la baisse du budget de l’aide à la rénovation énergétique MaPrimeRénov’, de 5 à 4 milliards d’euros pour 2024 en raison de mauvaises prévisions de croissance, ces « mesures de détricotage » sur le DPE sonnent comme un échec sur le plan écologique, tant pour le CNL que pour le CLER. « Il faut continuer à inciter les propriétaires bailleurs à la rénovation énergétique, insiste Mme Gasquet. Si le gouvernement envoie le signal qu’il apporte des corrections ici et là au fur et à mesure que le calendrier s’intensifie, ces propriétaires risquent d’adopter une attitude attentiste dans l’espoir que les critères évoluent encore. » Et de rappeler que « la vaste majorité des propriétaires sont multipropriétaires et ont les moyens de réaliser ces travaux ». Selon une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques publiée en 2021, les propriétaires d’au moins cinq logements sont très peu nombreux (3,5 % des ménages), mais ils détiennent 50 % des logements mis en location par les particuliers.



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