Quand travailler ne suffit pas à se loger

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Salomé (il s’agit d’un prénom d’emprunt), infirmière au SAMU Social de Paris et sans domicile fixe, le 27 mai 2024.

Infirmière au Samusocial de Paris, Salomé (le prénom a été changé) prodigue soins et bonne humeur aux personnes sans domicile fixe dont elle a la charge. Elle ne laisse rien transparaître de sa propre situation de SDF, hébergée alternativement chez différents amis et chez sa sœur, « pour ne pas trop déranger ». Mère célibataire originaire de Côte d’Ivoire, la quinquagénaire a quitté la Normandie pour prendre ce poste qui lui tenait à cœur, et accepté de vivre sans chez-soi pour aider ses deux enfants à financer leurs études. Mais depuis que le cadet l’a rejointe, voilà neuf mois, elle cherche activement. « Je suis en CDI depuis deux ans, je gagne 2 400 euros par mois, qui représentent trois fois le loyer des appartements où je postule. Mais il n’y a pas grand-chose, même en banlieue, et les propriétaires veulent deux salaires plutôt qu’un… » Elle qui n’a pas cessé de travailler pendant la pandémie de Covid-19 se souvient combien les soignants furent à l’époque célébrés. « Je pensais que mon métier m’aiderait à trouver un logement. Mais j’ai l’impression que, maintenant, on s’en fout », dit-elle.

Agente de restauration en CDI dans un autre centre du Samusocial de Paris, Malika (le prénom a été changé) a connu cinq années de galère. Encore vacataire quand son mari l’a quittée et chassée de leur appartement, elle a été hébergée par un oncle, qui exigeait qu’elle fasse le ménage, la cuisine et qu’elle lui verse 300 euros par mois. « C’est l’assistante sociale du Samusocial qui m’a sauvée, en me trouvant une chambre très bien en hébergement d’urgence. » Elle a dû déménager dans trois autres hôtels sociaux, infestés de souris, avant de faire reconnaître son droit au logement opposable, et de se voir attribuer un logement en HLM, à Bagneux (Hauts-de-Seine). Dans son T1 tout neuf, elle se sent « comme une reine ».

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Jesus Blanco, représentant du personnel au Samusocial et membre du syndicat SUD, est régulièrement alerté de telles situations, tout en présumant que d’autres restent cachées. Il remarque aussi qu’« au 115 on reçoit un peu plus d’appels de gens qui travaillent mais ont besoin d’un hébergement d’urgence. Il y a ceux qui se séparent, ceux qui ont des emplois précaires, y compris les contractuels de la fonction publique. Quand on arrive à leur proposer une place et qu’elle se trouve à deux heures de Paris, certains refusent, par crainte de perdre leur boulot ».

« Le seul habitant permanent »

L’Ile-de-France connaît des prix de l’immobilier et des loyers particulièrement élevés, et compte 836 000 ménages en attente d’un logement social, soit deux fois plus qu’en 2010. Mais les salariés d’autres régions sont, eux aussi, victimes de la crise du logement. A Bordeaux, dans l’association d’aide et de soins à domicile dont Karima Amara est déléguée syndicale, « on a désormais une bonne dizaine de collègues concernés chaque année, sur environ trois cents ». Une assistante sociale privée a été recrutée pour les aider à se reloger, et intervient de plus en plus longuement. « Les studios dans le privé sont loués 600 euros, donc on n’a aucune chance si on gagne le smic, même à temps plein et en CDI. Le logement social donne la priorité aux femmes battues et aux mères avec de jeunes enfants, et les demandes à Action Logement [l’organisme qui aide les salariés à se loger] sont totalement saturées », déroule Mme Amara.

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