Quand le logement est jugé décent par le juge et indécent par les caisses d’allocations familiales

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Les caisses d’allocations familiales (CAF) ne versent des aides au logement que si les logements concernés sont « décents » au regard de la loi du 6 juillet 1989 (critère de performance énergétique minimale, absence d’infestation d’espèces nuisibles et parasites…). C’est ce que prévoit l’article L. 822-9 du code de la construction et de l’habitation.

Les CAF peuvent verser ces aides directement au bailleur, qui les déduit du montant des loyers réclamés au locataire. Lorsque le logement n’est pas « décent », elles les conservent, jusqu’à ce que le bailleur entreprenne les travaux nécessaires. Dans l’intervalle, celui-ci ne peut les réclamer au locataire. C’est pourtant ce qui se produit dans l’affaire suivante, avec l’aval de deux juges.

Le 28 mai 2020, Mme X entre dans un F3 dont le loyer s’élève à 895 euros. Le lendemain, elle demande que le bailleur et un huissier complètent l’état des lieux, en notant certains désordres qu’elle n’avait pas immédiatement constatés, ce qui lui est refusé.

Le 26 août 2020, à sa demande, un inspecteur de salubrité du service environnement urbain de la ville d’Antibes (Alpes-Maritimes) vient constater ces désordres : la porte-fenêtre du séjour ne ferme pas correctement, certaines prises électriques ne sont pas reliées à la terre, la porte d’entrée n’est pas hermétique ; en outre, il y a des problèmes de ventilation, signalés par un chauffagiste.

« Procès-verbal d’infraction »

Bien que minimes au regard de la loi du 6 juillet 1989 et du décret sur la décence du 30 janvier 2002, ces désordres sont considérés par le service environnement urbain comme des « manquements au règlement sanitaire départemental (articles 24, 32, 33, 40-1 et 51) ». Ils font l’objet d’un « procès-verbal d’infraction », adressé au procureur de la République de Grasse, afin que celui-ci engage des « poursuites pénales » s’il le juge opportun.

Le 5 mai 2021, la CAF informe le propriétaire que son logement n’étant pas conforme aux « critères de décence », elle suspend son allocation, jusqu’à ce qu’il procède à « la mise en conformité ». Elle précise que « le bailleur a l’obligation de la déduire du loyer ».

Pourtant, le propriétaire l’ajoute au loyer. Au lieu de 895 euros, il en réclame 1 169 à Mme X. Celle-ci saisit la justice, grâce à l’aide juridictionnelle totale, mais elle est déboutée, en première instance et en appel. La cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), qui s’appuie sur l’état des lieux « contradictoire », considère, contrairement à la ville, que le logement n’est pas indécent.

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