« Quand la situation est dégradée au point de mettre les patients en danger, c’est un devoir moral de dénoncer l’inacceptable »

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Irène Frachon a permis la condamnation du laboratoire Servier en appel le 20 décembre 2023. C’est la victoire de la « fille de Brest » – et celle de milliers de victimes – qui a réussi à montrer qu’elle avait raison de s’être attaquée au si puissant lobby pharmaceutique. Elle restera un exemple pour ces femmes et ces hommes, souvent anonymes, témoignant de la situation catastrophique de l’hôpital public.

Ces lanceurs d’alerte, impliqués au quotidien auprès des patients, ne voulant rien d’autre que d’être entendus, ont pourtant été punis de leur bonne foi. Sébastien Harscoat à Strasbourg, ou Caroline Brémaud à Laval le savent : alerter, pour le bien de la communauté, est dangereux. Les lanceurs d’alerte, pour le sociologue Francis Chateauraynaud, auteur de Alertes et lanceurs d’alerte (« Que sais-je ? », PUF, 2020), ne sont pas les dénonciateurs de fautes, de fraudes ou de mauvais traitements, mais des personnes ou des groupes qui, rompant le silence, signalent l’imminence, ou la simple possibilité, d’un enchaînement catastrophique.

C’est exactement ce qui se passe à l’hôpital public. Depuis quelques années, aides-soignantes, infirmières, secrétaires médicales, psychologues, assistantes sociales, cadres de santé, patients, médecins, chefs de service… témoignent de la dégradation de l’accès aux soins et de l’hôpital public. Ils alertent les pouvoirs publics, les élus et les patients présents, ou futurs, par la presse et les réseaux sociaux, sur la situation de notre système de santé, espérant arrêter la spirale infernale. Pénuries de personnel, accueils inadéquats des patients, pertes de chance, voire morts inattendues ou évitables, sont désormais médiatisés.

En 2022 une surmortalité de 50 000 décès a été constatée par l’Insee. Aujourd’hui, plus personne, même le gouvernement, ne nie la dégradation de l’hôpital public et de l’accès aux soins pour tous. Brigitte Bourguignon, éphémère ministre de la santé, avait qualifié les collectifs d’hospitaliers et d’usagers d’ « oiseaux de mauvais augure », mais les collectifs de défense de l’hôpital public ne sont pas des prophètes de malheur : ils sont des optimistes voulant sauver notre système public.

7 000 lits ont été fermés en 2022

Ils dénoncent la communication mensongère sur des milliards providentiels qui ne sont que l’addition de fonds alloués au privé et au public sur la prochaine décennie, et rappellent les faits : on ne compte plus le nombre de services d’urgences « régulés » pour ne pas dire fermés (163 sur 389 à l’été 2023), les files d’attente de brancards sur les parkings des hôpitaux – à Strasbourg, le parking a vu pour Noël se monter une tente pour accueillir les patients –, l’attente prolongée des patients les plus âgés entraînant une surmortalité de 4 %.

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