Poutine, Nétanyahou et l’instrumentalisation de la seconde guerre mondiale

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Un Palestinien utilise un seau pour éteindre les flammes d’un magasin détruit dans un bâtiment, à la suite d’une opération des forces spéciales israéliennes dans le camp de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 8 juin 2024.

Plus l’offensive israélienne sur Gaza se prolonge et s’aggrave, plus les affinités entre Benyamin Nétanyahou et Vladimir Poutine apparaissent crûment. Il y a d’abord – à Gaza bien plus encore qu’en Ukraine –, les frappes systématiques sur les infrastructures civiles afin de pousser au désespoir la population locale.

Il y a, ensuite, le mépris affiché pour les normes fondamentales du droit humanitaire, ce qui a d’ailleurs conduit la Cour pénale internationale (CPI) à demander des mandats d’arrêt, aussi bien contre le président russe, que contre le premier ministre israélien.

Cela ne semble pourtant pas troubler Joe Biden, dont le soutien inconditionnel à Israël repose sur un engagement explicitement « sioniste » de plus d’un demi-siècle. Les références biaisées des dirigeants russe et israélien à la seconde guerre mondiale et leur réécriture agressive d’une telle histoire devraient pourtant inquiéter les démocraties occidentales en ce quatre-vingtième anniversaire du Débarquement de Normandie.

« Historien en chef »

L’invocation de la Grande Guerre patriotique, au cours de laquelle ont péri, de 1941 à 1945, 26 millions de Soviétiques, dont 16 millions de civils, est devenue le socle de la propagande ultranationaliste et anti-occidentale du Kremlin. Comme le démontre magistralement Nicolas Werth dans son ouvrage Poutine, historien en chef (Paris, Gallimard, 2022), « Staline a racheté la faute de Lénine. En restaurant les valeurs du patriotisme bafouées, rejetées par la révolution bolchevique de 1917, il a redonné à la Russie sa grandeur impériale et a conduit à la victoire de 1945 ».

Des lois sanctionnant lourdement le rappel de la collaboration entre l’URSS et l’Allemagne nazie, de 1939 à 1941, sont significativement adoptées après l’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014, puis l’invasion généralisée de l’Ukraine, en 2022. C’est qu’il s’agit de stigmatiser la résistance ukrainienne comme un ramassis de « nazis » engagés dans un véritable « génocide » contre la majorité russophone du Donbass.

Quant à Benyamin Nétanyahou, il n’a jamais eu un mot sur l’accord conclu en 1933 entre le régime nazi et l’organisation sioniste, devenue le seul mouvement juif alors autorisé en Allemagne, accord qui a permis l’émigration de 53 000 juifs allemands vers la Palestine. Il est en revanche intarissable sur l’assimilation des nationalistes palestiniens aux nazis.

Dès 1993, alors qu’Israël signe les accords de paix, dits « d’Oslo », avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Nétanyahou, alors chef de l’opposition, dresse un parallèle douteux avec les accords de Munich qui avaient, en 1938, démembré la Tchécoslovaquie au profit de l’Allemagne nazie : « Les régimes arabes se sont lancés dans une campagne pour persuader l’Occident que les habitants arabes de Cisjordanie, tout comme les Allemands des Sudètes, sont un peuple séparé qui mérite le droit à l’autodétermination. » Il ajoute que « les Arabes se sont inspirés directement des nazis, comme trop souvent, pour lutter contre Israël ».

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