plongée dans les secrets financiers de la famille princière

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Il arrive encore à Claude Palmero, silhouette émaciée et visage grimaçant, de courir sur les hauteurs de La Turbie, un parcours avec une vue imprenable sur la principauté de Monaco. Mais, en plein effort, de noires pensées traversent parfois l’esprit de cet homme de 67 ans, ex-administrateur des biens (ADB) de la famille souveraine, désormais collaborateur déchu, renié et même maudit. A-t-il suffisamment vérifié ses arrières, pensé à emprunter un itinéraire différent ? « Je ne suis pas parano, souffle-t-il, mais il m’a été dit : “Vous savez que vous combattez beaucoup de gens très puissants, on en a descendu pour moins que ça.” »

Ce personnage de l’ombre, corseté par sa loyauté à Monaco et désireux de ne pas se mettre en danger, Le Monde l’a rencontré à plusieurs reprises. Lui qui déteste s’exprimer publiquement prend soin de peser ses mots et se méfie du téléphone – il ne répond plus que sur un portable néerlandais. Pour aborder son histoire, sept mois après son éviction, il a fallu gagner sa confiance, consulter de nombreux documents, vérifier ses dires auprès d’autres témoins, dont l’ami de toujours du prince Albert II de Monaco, l’avocat Thierry Lacoste, lui aussi en disgrâce.

Alors qu’il défie la toute-puissante famille Grimaldi, qui règne sans partage ni opposition sur le micro-Etat le plus riche du monde, Claude Palmero en vient à se demander s’il a bien fait, le 10 janvier 2001, de succéder à son père, lequel était, déjà, l’ADB du prince à l’époque Rainier III (1923-2005). Au décès de celui-ci, son fils Albert a pris sa place sur le trône, et M. Palmero, ex-HEC, auditeur scrupuleux et respecté, est resté en poste. Près de vingt ans plus tard, le voici accusé d’avoir détourné des fonds princiers.

« Je n’ai jamais pris un centime, proteste-t-il. C’est une dénégation à 100 %. Je ne suis ni un corrompu ni un voleur, toutes choses invraisemblables dont la famille princière, pour qui je me suis dévoué deux décennies durant, m’accuse injustement aujourd’hui. » Prêt à tout pour « rétablir [son] honneur », le conseiller banni a été jusqu’à déposer plainte, fin novembre 2023, contre les membres de la famille princière. « Toutes les insinuations malveillantes et accusations ubuesques incessantes contre moi relèvent d’un harcèlement constant et d’une volonté de nuire », justifie-t-il.

Claude Palmero ne cesse de rappeler qu’il est né fortuné, grâce à l’héritage paternel, et qu’il a su faire fructifier son patrimoine. Du temps où il travaillait pour la Principauté, il percevait un forfait mensuel de 12 000 euros, auxquels il convient d’ajouter ses émoluments d’associé du cabinet d’audit PwC – 1 million d’euros par an –, plus, un temps, les revenus de son cabinet d’expert-comptable. En clair, il est très largement millionnaire. Il dépense peu ; c’est un frugal aux allures de passe-muraille qui se retrouve projeté, depuis six mois, au cœur d’un véritable thriller politique en passe de virer à l’affaire d’Etat.

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